Le véritable défi des ONG sera de réussir leur contribution au plus ambitieux débat de ces vingt dernières années
Cordoba, Espagne. Du 13 au 17 avril dernier avait lieu le 17ème séminaire « Drogues et Coopération » organisé par le Réseau Ibéro-américain des ONG œuvrant en toxicomanie (RIOD), consacré cette année à l’intervention depuis une perspective de Santé publique. Dianova International était présente dans le cadre d’une table ronde durant laquelle a été abordée l’action de la société civile pendant la phase préparatoire de l’UNGASS 2016.
Antécédents
Les sessions spéciales de l’assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) sont convoquées par le Secrétaire général, à la demande du Conseil de sécurité, ou bien par la majorité des états membres des Nations Unies. Elles permettent aux états membres d’examiner et envisager des solutions à certains problèmes mondiaux, à l’exemple de la 12ème session de l’UNAGSS sur la question du désarmement (1982), celle sur l’Apartheid (1989), ou encore sur la problématique du sida, en 2001.
L’UNGASS 2016 sera la deuxième session des Nations Unis consacrée au problème mondial des drogues après celle de 1998. A cette époque, l’Assemblée générale avait pour la première fois accordé autant d’importance aux politiques de réduction de la demande qu’aux autres composantes du contrôle international des drogues. La session de 1998 s’était conclue par une déclaration politique engageant quelque 150 états membres à atteindre « des résultats mesurables et significatifs dans la réduction de l’offre illicite et de la demande de drogues d’ici à 2008. » De plus, parallèlement à l’engagement des Etats membres, l’Assemblé Générale avait pour la première fois appelé les ONG à travailler étroitement avec les gouvernements dans le but d’évaluer l’ampleur du problème, d’identifier des solutions viables et de mettre en place les politiques et les programmes appropriés.
Selon le Comité de Vienne des ONG sur les Drogues (Vienna NGO Committee on Drugs – VNGOC), l’engagement pris en 1998 était déjà pour les ONG l’opportunité d’évaluer leurs propres résultats, de partager des programmes novateurs, de parvenir à des accords de partenariat et d’échange et de faire des recommandations aux agences internationales et aux états membres des Nations Unies sur les stratégies futures en matière de contrôle des drogues.
De plus, à l’heure d’évaluer les résultats de cet engagement, en 2006, le VNGOC, appuyé par l’UNODC a pris l’initiative d’organiser « Beyond 2008 » (au-delà de 2008), un processus mondial de consultation visant à faire participer les voix de la société civile à l’élaboration des politiques sur les drogues. Après deux ans de travail, neuf consultations régionales et plus de 900 ONG consultées sur les cinq continents, le processus s’est conclu par le forum des ONG de juillet 2008 au cours duquel les représentants de 300 ONG ont adopté une déclaration conjointe, présentée au Comité des Nations Unies sur les drogues (CND).
Pour la première fois depuis la mise en œuvre du régime international de contrôle de drogues, les ONG et la société civile avaient pu faire entendre leur voix.
Beyond 2008 – évaluation indépendante (2009), doc. pdf
Prochaine étape : UNGASS 2016
Faire entendre sa voix est une chose, participer pleinement aux processus de décisions et de définitions des priorités en est une autre. Le succès de « Beyond 2008 » a permis néanmoins de donner du poids à l’initiative conjointe des Comités des ONG de Vienne et de New York (VNGOC et NYNGOC) de lancer un groupe de travail de la société civile (Civil Society Task Force – CSTF) visant à contribuer au processus préparatoire et durant l’UNGASS 2016, c'est-à-dire la prochaine session spéciale des Nations Unies sur la question mondiale des drogues. Le lancement du CSTF s’est déroulé en décembre 2014, avec le co-parrainage des Missions permanentes de l’Italie, du Mexique, de la Norvège, de la Suède et des USA. L’initiative a eu l’aval de l’UNODC qui a encouragé les ONG de terrain à partager leur expérience sur les politiques efficaces en matière de drogues et sur celles qui ne fonctionnement pas.
Le groupe de travail comporte désormais 26 membres, élus de façon transparente, et représentant les différentes régions du globe (le RIOD a été élu représentant de la région Amérique Latine et Caraïbes). Les représentants du CSTF couvrent la plupart des domaines reliés aux drogues, depuis le plaidoyer jusqu’au travail de terrain, en passant par la prévention, le traitement et la réadaptation, la réduction des dommages et l’insertion sociale des usagers de drogues. Le groupe dispose en outre d’une feuille de route qui récapitule les activités principales à mettre en œuvre jusqu’à l’UNGASS 2016. A l’heure actuelle, et durant toute l’année 2015, une enquête mondiale permet de recueillir l’opinion et les attentes des ONG de terrain.
Les attentes
Le régime international de contrôle des drogues est en train d’évoluer comme en témoigne la dernière réunion de la CND, en mars dernier. A cette occasion, plusieurs délégations ont insisté sur l’importance de mettre en œuvre des politiques axées sur la santé publique et le développement et plus respectueuses des droits humains, de réduire la criminalisation des usagers, d’éviter les sentences exagérément sévères, d’améliorer l’accès aux opioïdes pour le traitement de la douleur, etc. Les discussions avancent dans la bonne direction – celle d’une prise en charge plus humaine du problème drogues – grâce en partie à l’engagement des ONG de terrain et de la société civile.
Enfin, il faut souligner que la mise en œuvre du CSTF est une étape importante, mais que le véritable défi des ONG sera de réussir leur contribution au plus important débat de ces vingt dernières années. Les ONG actives en matière de drogues se situent sur un vaste continuum idéologique, avec des positions parfois opposées. Il faudra donc s’efforcer de mettre de côté les idéologies et de tirer parti de ce qui fait la richesse des ONG de terrain : leur expérience et leur savoir-faire.