Plusieurs dirigeants mondiaux appellent à la fin de la criminalisation de l'usage et de la possession et à la régulation légale et responsable des drogues
Les anciens présidents du Brésil, du Chili, de la Colombie, du Mexique, de la Pologne, du Portugal et de la Suisse se joignent à Kofi Annan, Richard Branson, George Shultz, Paul Volcker et d’autres pour faire des recommandations audacieuses et novatrices pour le changement du paradigme des politiques en matière de drogues en vue de la session de l’ONU sur les drogues de 2016.
Note: les opinions exprimées dans ce texte représentent celles de ses auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement les positions de Dianova International
Opinion – "Prendre le contrôle": sur la voie de politiques efficaces en matière de drogues
(…) Un nouveau régime de contrôle des drogues, protégeant mieux la santé et la sécurité des personnes et des collectivités à l’échelle mondiale que le régime actuel, est requis. Les mesures cruelles dérivant d’idéologies punitives doivent être remplacées par des politiques humaines et efficaces basées sur les preuves scientifiques, les principes de santé publique et les droits de l’homme. Il s’agit là de la seule manière de réduire à la fois la mortalité, la morbidité et les souffrances liées à la drogue et la violence, ainsi que la criminalité, la corruption et les profits illicites favorisés par les politiques prohibitionnistes inopérantes. Le coût public des politiques que nous défendons, il faut le souligner, est faible comparé aux coûts directs et indirects du régime actuel.
(…) Les obstacles à la réforme des politiques sont aussi divers qu’intimidants. Les puissantes administrations nationales et internationales de contrôle des drogues défendent fermement le statu quo, remettant rarement en question leurs positions pour vérifier que leurs efforts et leurs tactiques d’application des lois antidrogue ne font pas plus de mal que de bien. La tendance au sensationnalisme est présente à chaque « alerte à la drogue » dans les médias, et la classe politique utilise régulièrement la rhétorique séduisante de la « tolérance zéro » et de sociétés « sans drogues », au lieu de suivre une démarche informée par des faits probants. L’association des drogues illicites aux minorités ethniques et raciales connaît une certaine popularité et suscite des peurs qui inspirent une ligne législative dure. Enfin, les tenants d’une réforme éclairée risquent d’être taxés de « laxistes envers la criminalité », voire de « partisans de la drogue ».
La bonne nouvelle est que le changement est dans l’air. La Commission se félicite qu’un nombre croissant de recommandations du présent rapport soient déjà à l’étude, en cours d’application ou mises en œuvre dans le monde. Nous commençons un voyage, et les gouvernements peuvent tirer profit de l’expérience qui s’accumule là où les réformes progressent. Heureusement, les objectifs rhétoriques et irréalistes périmés de la SEAGNU sur les drogues de 1998 risquent peu d’être maintenus en 2016. L’appui à des interprétations souples et à une révision des conventions internationales de contrôle des drogues grandit, tenant compte des droits de l’homme et des principes de réduction des risques.
Prendre le contrôle fait sept recommandations principales qui peuvent être résumées comme suit:
- Assurer avant tout la santé et la sécurité des collectivités requiert une réorientation fondamentale des priorités et des ressources en matière de politiques, qui permettrait d’abandonner les mesures punitives inefficaces au profit d’interventions sanitaires et sociales éprouvées.
- Assurer un accès équitable aux médicaments essentiels, en particulier les analgésiques à base d’opiacés.
- Cesser de criminaliser l’usage et la possession de drogues – et cesser de « traiter » de force des personnes dont la seule infraction est l’usage ou la possession de drogues.
- Appliquer d’autres options que l’incarcération pour les acteurs non violents du bas de l’échelle du trafic de drogue, tels les fermiers et les passeurs, entre autres personnes engagées dans la production, le transport et la vente de substances illégales.
- Viser en priorité une réduction du pouvoir des organisations criminelles et de la violence et l’insécurité engendrées par la concurrence entre elles ainsi qu’avec l’État.
- Permettre et appuyer les essais dans des marchés légalement réglementés de drogues actuellement interdites, en commençant, sans s’y limiter, par le cannabis, la feuille de coca et certaines nouvelles substances psychoactives.
- Profiter de l’occasion offerte par la SEAGNU de 2016, qui approche à grands pas, pour réformer le régime mondial des politiques en matière de drogues.
Global Commission on Drug Policy
Membres de la Commission: Kofi Annan, président de la Fondation Kofi Annan et ancien Secrétaire général des Nations Unies, Ghana – Louise Arbour, ancienne Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, Canada – Pavel Bém, ancien maire de Prague, République tchèque – Richard Branson, entrepreneur, philanthrope, fondateur du groupe Virgin, cofondateur de The Elders, Royaume Uni – Fernando Henrique Cardoso, ancien président du Brésil (président de la Commission) – Maria Cattaui, ancienne secrétaire générale de la Chambre de commerce internationale, Suisse – Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération helvétique et ancienne conseillère fédérale cheffe du Département fédéral de l’intérieur, Suisse – César Gaviria, ancien président de la Colombie – Asma Jahangir, militante des droits de l’homme, ancienne Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Pakistan – Michel Kazatchkine, Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le VIH/sida en Europe de l’Est et en Asie centrale, ancien directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, France – Aleksander Kwasniewski, ancien président de la Pologne – Richard Lagos, ancien président du Chili – George Papandreou, ancien Premier ministre de la Grèce – Jorge Sampaio, ancien président du Portugal – George P. Shultz, ancien secrétaire d’État, États Unis (président honoraire) – Javier Solana, ancien haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et la politique de sécurité commune, Espagne – Thorvald Stoltenberg, ancien ministre des Affaires étrangères et Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Norvège – Mario Vargas Llosa, écrivain et intellectuel, Pérou – Paul Volcker, ancien président de la Réserve fédérale américaine et du Conseil pour la reconstruction économique, États-Unis – Ernesto Zedillo, ancien président du Mexique