« Binge drinking » – ce sont les jeunes qui vont trinquer

Le "binge drinking" ou beuverie express désigne une consommation ponctuelle d'alcool dans la seule intention de parvenir à l'intoxication dans un minimum de temps. Répandue dans les pays anglo-saxons et en Europe du Nord, cette façon de boire apparaît désormais dans beaucoup d'autres pays, en particulier chez les jeunes, avec les risques sociaux qu'elle entraîne: comportements violents et impulsifs, perte de contrôle, accidents de la route, rixes, addictions, etc.

Tout d'abord, de quoi parle-t-on? Même s'il n'existe pas de consensus international en la matière, on estime qu'un épisode de "binge drinking" équivaut à la consommation de cinq boissons alcoolisées et plus pour un homme et quatre pour une femme[1]. Pourtant, ce qui caractérise avant tout le "binge drinking", c'est son mode de consommation festif, le plus souvent en groupe, dans une recherche de l'ivresse. Dans la majorité des pays, le phénomène concerne avant tout les hommes jeunes, à l'exception de la Finlande, du Danemark et surtout du Royaume-Uni, pays où les filles sont plus nombreuses à s'intoxiquer que les garçons.

Même si on assiste à une augmentation préoccupante du phénomène du "binge drinking" dans les pays d'Europe du Sud (France, Italie, Espagne, Portugal), voire dans les pays d'Amérique Latine, les plus touchés sont ceux d'Europe du Nord, ainsi que le Royaume-Uni, le Canada et les Etats-Unis. Dans ce pays, en particulier chez les adolescents, ce mode de consommation est quasiment devenue la norme.

Selon le Dr. Thomas Frieden, directeur du Center for Disease Control, "Environ 50% de tout l'alcool consommé par les adultes et 90% de l'alcool consommé par les jeunes, l'est durant ces sessions de binge drinking".

Au Royaume-Uni la situation est tout aussi délicate, puisqu'on estime les coûts sanitaires et sociaux du binge drinking à quelque 20 milliards de livres par an.

Quelles conséquences?

Le binge drinking peut entraîner des conséquences médicales graves mais ce sont les troubles du comportement liés à ce mode de consommation qui sont la principale source de danger. Le binge drinking expose la personne à une perte de contrôle, à des comportements impulsifs, voire violents, qui peuvent être dangereux pour elle-même et pour les autres. Ces risques incluent les accidents de la route, mais aussi toutes les prises de risques associées à l'ivresse et au sentiment d'invulnérabilité qui l'accompagne, et qui peuvent déboucher sur des violences physiques, sexuelles ou morales ou même exposer les jeunes à des risques qu'ils n'auraient jamais pris en temps ordinaire.

"Après trop d'alcool, tu te sens invicible alors même que tu es le plus vulnérable" – campagne de prévention (Royaume-Uni)

La "culture de l'alcool" peut-elle avoir un effet protecteur?

Aux Etats-Unis, beaucoup estiment que le plus grand responsable du "binge drinking" est la culture américaine de l'alcool. Selon eux, boire avec modération fait partie intégrante de la culture européenne et des échanges sociaux. Dans les pays d'Europe du Sud en particulier, les jeunes sont progressivement introduits à une consommation d'alcool dans un environnement socioculturel qui réduit semble-t-il les risques d'une consommation excessive et dangereuse. Au contraire des Européens, les jeunes américains n'ont pas l'opportunité "d'apprendre" à boire dans le contexte familial où la modération est la norme, à cause de l'âge légal américain qui interdit l'usage de l'alcool avant 21 ans.

Si l'argument est séduisant, il semble qu'il ne résiste pas à l'épreuve des faits: si les jeunes européens avaient réellement "appris à boire", on pourrait s'attendre à les voir plutôt moins souvent ivres que les Américains. Pourtant l'étude ESPAD (European School Survey Project on Alcohol and other Drugs) de 2007 souligne que les jeunes entre 15 et 16 ans sont en moyenne plus nombreux à avoir été ivres au cours des 30 derniers jours que les jeunes américains du même âge.

Pour conclure, il faudrait souligner qu'il y a pour les ados une différence énorme entre le demi-verre de vin qu'ils sont autorisés à boire en famille les jours de fête et la party qu'ils vont organiser entre potes le week-end prochain… De plus, depuis cinquante ans, toutes les modes naissent aux Etats-Unis pour se répandre ensuite dans le monde entier. Et en la matière ce sont les jeunes qui risquent de trinquer. 


[1] Une boisson "standard" représente entre 12 et 14 g d'alcool, soit un grand verre de bière à 5% d'alcool, un verre de vin à 12%, ou encore un doigt de spiritueux à 40% d'alcool