Opinion, par Myriam Gómez García – Le débat sur la légalisation des drogues, et son application possible, transcende le domaine juridique ou pénal. Lorsqu’on parle de légalisation des drogues, on fait d'abord référence à la réglementation de sa production et de sa commercialisation par l’État, autant d'éléments régis par les lois du marché. Dans le cas des drogues cependant, l’éventuelle réglementation/légalisation est susceptible d’influencer leur consommation, mais aussi d’affecter l’approche thérapeutique ou la relation d’aide. Et c'est de ce point de vue ci que les organisations et les professionnels du secteur peuvent et doivent, à mon avis, apporter leur pierre au débat.
Il existe depuis des années dans la communauté scientifique un consensus selon lequel l'addiction est un phénomène multidimensionnel. Ceci implique que tout changement significatif dans l'une ou l'autre de ces dimensions entraîne des changements dans l'ensemble du phénomène. Le débat sur la légalisation ou la règlementation des drogues transcende le seul domaine juridique car le statut légal des substances détermine celui de l'usager lui-même, devenu nécessairement délinquant.
Cet état de fait a déjà des répercussions sur une approche thérapeutique normale, orientée à la santé des usagers – la santé étant comprise comme l'un des éléments déterminant d'une bonne qualité de vie, c'est-à-dire un état de bien être ou d'équilibre entre facteurs physiques, psychologiques, sociaux et environnementaux.
Sans prendre position dans le débat pour ou contre la légalisation, je crois qu'il serait important de faire une analyse la plus objective possible de ses conséquences éventuelles sur la prévention, sur les soins et sur les efforts d'insertion sociale en faveur des personnes. Pour prendre un seul exemple, je soulignerais que la légalisation pourrait permettre le démembrement des réseaux mafieux dédiés au narcotrafic, ainsi que la mise en place de contrôles sanitaires grâce à la commercialisation des drogues. Le consommateur final aurait entre les mains un produit de bien meilleure qualité que ce qu'il a maintenant, ce qui lui permettrait de mieux veiller à sa santé tout en réduisant les dommages qui à l'heure actuelle touchent tous ceux qui n'ont d'autre choix que de se fournir sur le marché clandestin.
Une telle analyse devait être initiée non pas depuis une perspective idéologique, économique ou morale (d'autres acteurs le font déjà), mais depuis celle de l'intervention éducative, thérapeutique et sociale qui est mise en place en faveur des personnes à risques, celles qui doivent affronter un problème d'addiction, ou encore celles qui ont réussi à surmonter leurs difficultés mais qui doivent encore faire face à un processus de réinsertion sociale.
Le débat sur la légalisation est trop souvent pollué par une multitude d'intérêts économiques, politiques, idéologiques, et même éthiques ou religieux, qui viennent influencer les approches thérapeutiques et la relation d'aide. Si l'on veut vraiment nourrir le débat, je pense qu'il conviendrait de se concentrer sur les personnes, celles dont les soins, la qualité de vie et le plein développement social et personnel sont sur le plateau de la balance.
Pour conclure, j'aimerais souligner que nous les professionnels et les organisations qui travaillons dans ce domaine, nous nous engageons tous les jours à améliorer la qualité de vie de personnes en grande souffrance, qui ont des difficultés à maintenir des liens sociaux et affectifs, à trouver ou à garder un emploi. A ce titre, les seules positions que nous puissions défendre, ce sont celles qui vont dans le sens d'une meilleure prise en charge, au seul bénéfice des personnes elles-mêmes.
Myriam Gómez García est diplômée en travail social (UCM), spécialiste de la thérapie familiale en psychiatrie ainsi qu'en leadership et innovation sociale (ESADE). Depuis plus de vingt ans, elle travaille dans le milieu du traitement des addictions, dont dix années passées dans l'organisation Dianova où elle a occupé diverses fonctions: intervention auprès des usagers, gestion de projets, formation, développement stratégique et relations institutionnelles. Elle est actuellement membre du conseil de direction de la Fondation Dianova qu'elle représente auprès du Réseau de Lutte contre la Pauvreté et l'Exclusion sociale (Navarre), réseau dont elle est présidente depuis 2013