« Nous n’avons pas su faire face »

Déclaration du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein, à l’occasion du sommet des Nations Unies pour les Réfugiés et les Migrants, le 19 septembre

Monsieur le président, Monsieur le Secrétaire général, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Ceci ne devrait pas être un sommet confortable.

un-summit-migrantsBien qu’il faille reconnaître le leadership du Secrétaire général et son excellent rapport à leur juste valeur, ainsi que les efforts admirables mis en œuvre par l’Irlande et par la Jordanie dans le but de parvenir à un consensus politique, nous ne pouvons pas réduire le présent sommet à une somme de discours et d’interviews pleins de bons sentiments, un soupçon d’autosatisfaction et on passe à autre chose.

Lorsque des millions de gens ne voient l’appel de la liberté qu’au travers une toile de tente qui tremble dans le vent. Lorsqu’ils portent leurs enfants ainsi que tous leurs biens sur le dos, durant des centaines, voire des milliers de kilomètres de marche.

Lorsqu’ils risquent de se noyer ou de voir leur famille se noyer, lorsqu’ils sont entassés dans d’effroyables camps de détention et qu’une fois libres ils se retrouvent à la merci des racistes et des xénophobes. Il n’y a là aucune raison de réconfort.

L’amère vérité, c’est que le présent sommet a été convoqué parce qu’en grande partie, nous n’avons pas su faire face. En ne mettant pas fin à la guerre dès son origine, nous avons failli vis-à-vis du peuple syrien qui souffre depuis bien trop longtemps. Nous avons failli vis-à-vis d’autres populations dans les régions devenues zones de conflits chroniques. Pour ces mêmes raisons. Nous avons failli à aider des millions de migrants qui méritent mieux qu’une vie marquée du sceau de l’indignité et du désespoir, depuis le berceau jusqu’à la tombe.

Nous pouvons changer cela. Aujourd’hui même et ensemble lors de ce sommet : par le respect, la sécurité et la dignité pour tous. Mais non pas lorsque les défenseurs de ce qui est juste est bon, se trouvent débordés, dans bien trop de pays, par d’intolérants zélotes animés par la soif du pouvoir et brandissant l’arme des préjugés et des contre-vérités, au détriment des plus vulnérables, et en fin de compte, même de ceux qui les soutenaient.

Une épidémie d’amnésie est au cœur de l’effondrement moral de certains milieux. Beaucoup semblent avoir oublié les deux guerres mondiales – c’est ce qui arrive quand la peur et la colère sont attisées par des demi-vérités et des mensonges. La haine s’intensifie. La grenade est dégoupillée. Le compte en rebours commence. Et le énième rendez-vous de l’humanité avec ses démons se profile de nouveau.

Les bigots et les manipulateurs, en s’opposant à une plus grand partage des responsabilités, ne font que promouvoir la rupture. Certains d’entre eux pourraient bien se trouver dans cette salle ce matin. Si c’est le cas, laissez-moi vous dire que nous continuerons à vous dénoncer publiquement. Vous pouvez sortir de la salle en catimini, mais vous n’échapperez pas au jugement des peuples, de tous les peuples du monde, et vous n’échapperez pas au nôtre.