L’éradication de la pauvreté : un objectif encore lointain

Le 17 octobre, nous célébrons la journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Mais dans quelle mesure pouvons-nous effectivement relever ce défi ?

Enfants en situation d'extrême pauvreté

Un enfant sur cinq vit dans une pauvreté extrême – photo : Enfants de Raxaul, État du Bihar, l’un des plus pauvres de l’Inde, novembre 2013, Shutterstock

Par Federica Bertacchini et María Victoria Espada– En 1992, l’Assemblée générale des Nations Unies (ONU) a déclaré que le 17 octobre serait la journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Des années plus tard, en 2015, lorsque l’ONU a approuvé les Objectifs du Développement Durable (ODD) de l’ Agenda 2030, l’objectif numéro 1 était « l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes partout dans le monde ».

La pauvreté est un concept complexe qui affecte les différentes dimensions de la vie d’une communauté et de ses individus. Par pauvreté, nous n’entendons pas seulement le manque de revenus, mais un phénomène multidimensionnel qui englobe l’absence des capacités de base pour pouvoir vivre avec dignité. La pauvreté est en soi même un problème des droits de l’homme. C’est pourquoi son éradication est une obligation de toutes les sociétés.

Les causes de la pauvreté comprennent le chômage, l’exclusion sociale et la haute vulnérabilité de certaines populations devant les désastres, les maladies et autres phénomènes qui les empêchent d’être productives. L’inégalité engendrée par la pauvreté est préjudiciable pour la croissance économique, sape la cohésion sociale, augmente les tensions politiques et sociales et, dans certaines circonstances, génère l’instabilité et les conflits. Le bien-être des êtres humains est étroitement lié et avoir une condition économique qui permet de vivre une vie digne est fondamental pour son accomplissement.

Situation et impact du covid

Selon le rapport des Objectifs de Développement Durable 2020, l’extrême pauvreté dans le monde a régressé, passant d’un taux de 36 % en 1990 à un taux de 10 % en 2015. Durant cette année, les 783 millions de personnes qui vivaient en dessous du seuil de pauvreté international, évalué à 1,90 dollar par jour, éprouvaient de grandes difficultés pour satisfaire leurs nécessités les plus fondamentales, comme la santé, l’éducation et l’accès à l’eau et aux installations sanitaires. L’Asie méridionale et l’Afrique subsaharienne réunissaient la majorité de l’extrême pauvreté mondiale.

Toutefois, depuis la déclaration des ODD, le rythme de diminution de la pauvreté mondiale a ralenti.

En 2019, le taux de pauvreté mondiale était estimé à 8,2 % ce qui suggérait que 6 % de la population mondiale continueraient à vivre dans l’extrême pauvreté en 2030. Par conséquent, l’objectif de mettre fin à la pauvreté ne sera pas atteint. Si la pandémie se maintient dans les niveaux actuellement prévus et l’activité économique se récupère durant cette année, le taux de pauvreté estimé pour 2020 sera de 8,8 % selon le rapport, avec 71 millions de personnes de plus précipitées dans l’extrême pauvreté. Ce qui représenterait la première augmentation de la pauvreté dans le monde depuis 1998.

En avril 2020, la Banque mondiale a estimé que le COVID-19 a plongé entre 40 et 60 millions de personnes dans l’extrême pauvreté. La fermeture recommandée ou requise des lieux de travail à travers le monde a affecté à 81 % des employeurs et à 66 % des travailleurs pour leur propre compte, ce qui a limité gravement les postes de travail et les revenus. Avec des calculs plus actualisés, le rapport « Perspectives Economiques Mondiales 2020 »projetait aussi que 71 millions de personnes pourront être précipitées dans l’extrême pauvreté à cause de la pandémie, chiffre qui pourrait atteindre 100 millions si la situation mondiale s’aggravait davantage. Sans aucun doute, ceci pose un réel défi additionnel pour l’accomplissement des ODD.

Les femmes et enfants sont ceux qui souffrent le plus

Filles

Malgré quelques progrès significatifs pour changer la situation ces dernières années, dans aucun pays les femmes n’ont atteint l’égalité économique avec les hommes, et les femmes sont toujours plus susceptibles que les hommes de vivre dans la pauvreté – photo : site de l’ONU

 

Selon les « informations actualisées des ODD », il existe 122 femmes pour 100 hommes entre 25 et 34 ans qui vivent dans l’extrême pauvreté dans le monde. En plus, les femmes se voient affectées de manière disproportionnée par les effets économiques du COVID-19, entre autres. D’une part, elles se trouvent en première ligne dans la lutte contre le coronavirus, car elles représentent presque 70 % des travailleurs de la santé et du social partout dans le monde. D’autre part, près de 60 % travaillent dans l’économie informelle, sans aucune garantie de sécurité sociale, ce qui les expose encore plus à tomber dans la pauvreté.

 

La pauvreté infantile peut se voir aggravée par des facteurs comme le sexe, l’ethnie, la race et le territoire, entre autres, et peut avoir des effets irréversibles fruit de la malnutrition, des invalidités évitables et autres privations qui diminuent la croissance et le développement potentiel. En plus, la pauvreté infantile est un maillon clé dans la reproduction intergénérationnelle de la pauvreté et l’inégalité, et affecte négativement le développement social des pays. Par conséquent, la lutte pour l’éradication de la pauvreté infantile est primordiale dans la lutte contre la pauvreté en général et l’inégalité dans les sociétés.

Une analyse, conjointement réalisée par « Save the Children » et UNICEF, estime que la pandémie du coronavirus a précipité à 150 millions d’enfants supplémentaires dans la pauvreté multidimensionnelle, les privant de l’accès aux services essentiels comme l’éducation, la santé, l’habitat, l’alimentation, l’assainissement ou l’eau. En plus, l’augmentation de la pauvreté fera qu’il sera très difficile pour les enfants les plus vulnérables et leurs familles, de compenser la perte d’éducation causée par la fermeture des écoles. Sans éducation, il y a de fortes probabilités que les enfants soient forcés au travail ou au mariage précoce et se retrouvent prisonniers dans un cycle de pauvreté durant les années à venir.

Les efforts du réseau Dianova

Certains membres du réseau Dianova se dédient, entre autres, à la lutte contre la pauvreté dans ses multiples aspects. La société pour la promotion de la jeunesse (Society for the Promotion of Youth, SPYM pour ses sigles en anglais) est le principal pourvoyeur de centre d’hébergement pour personnes sans-abris à Delhi, Inde, avec 72 centres qui desservent à près de 6000 femmes, hommes et enfants chaque jour. En plus, SPYM offre des services d’insertion politique et financière des personnes sans-abris. En promouvant la formation des groupes d’entraide et en se portant garant auprès des banques, SPYM permet aux personnes sans-abris, qui normalement n’ont pas de pièces d’identité, de pouvoir ouvrir un compte bancaire.

je ne suis plus à la rue

Campagne ‘human empowerment’ : participation du SPYM en 2019, par le biais de son centre de Pardabagh dédié à changer la vie des filles par l’éducation

 

Les opérateurs de SPYM savent très bien que la pauvreté et la nécessité de survivre sont souvent à l’origine d’aptitudes et de comportements qui vont à l’encontre de la loi. Pour cette raison, depuis 2010 dans son centre de Delhi, ils travaillent avec des jeunes en conflit avec la loi et ayant des problèmes d’addiction. En collaboration avec une agence gouvernementale de la capitale, SPYM a pu aider 477 enfants grâce à des séances thérapeutiques, d’alphabétisation et d’enseignement d’habilités pour la vie de tous les jours.

Pour protéger les groupes les plus vulnérables, SPYM offre des services de traitement intégrés aux femmes et jeunes filles qui vivent dans des conditions de pauvreté, la plupart du temps sans abri, et en plus qui souffrent de troubles d’addiction, de problèmes de santé mentale et de violence sexiste.

Entre 2019 et 2020, 48 femmes ont reçu des soins dans le centre de Pardabagh, en plus des cours d’alphabétisation, de calcul, d’informatique et autres habiletés pour la vie, afin de faciliter leur réinsertion économique dans le marché du travail.

Kothwain, un autre membre de notre réseau, active dans des zones isolées et difficiles d’accès au Bangladesh qui comporte les taux de pauvreté les plus élevés parmi sa population. Grâce au financement de « SONNE International » et des activités menées par Kothowain, qui mobilise aussi des groupes de femmes locales, quelque 712 étudiantes indigènes défavorisées ont accès à : l’enseignement primaire ( 11 écoles), l’enseignement secondaire (une école) et la formation professionnelle en couture (un centre) au sein de Alikodom Upazilla. 49 de ces étudiantes, de familles très pauvres, bénéficient de l’hospitalité gratuite et de bourses complètes pour pouvoir terminer leurs études.

Kothowain a aussi un programme financé par Helen Keller International, destiné au développement économique des femmes vulnérables. Ce programme, orienté vers la fabrication de bougies et de balais, fait participer 80 femmes qui vivent dans la région des collines de Thanchi. Par ailleurs, le programme se voit être complété par des ateliers de développement de capacités entrepreneuriales, comme l’élaboration des plans d’affaires et la création de relations avec le marché local.