Évolution des préoccupations sociales – Une brève étude sur Genève

Les préoccupations sociales sont en évolution constante tout en étant associées aux circonstances sociales et politiques d’une région… L’exemple de Genève et de la Suisse

Par Franziska Bertram Les préoccupations sociales sont en constante évolution, et toujours associées aux circonstances politiques et sociales d’une région donnée. Les continents et les États sont confrontés à des défis fortement localisés et réciproquement liés aux influences économiques et environnementales.

L’évolution des préoccupations sociales, particulièrement évidente lors de la crise du COVID-19 qui a tenu le monde en haleine, reflète ces circonstances. En Suisse, nombre de ces préoccupations étaient centrées sur le secteur de la santé. En 2018, avant même la pandémie de COVID-19, les principales préoccupations de la population concernaient la santé, les soins aux personnes âgées, ainsi que l’environnement et la protection durable de celui-ci.

Le caractère changeant des préoccupations sociales peut être illustré par l’usage problématique de drogues. Alors que ce thème apparaissait comme l’une des cinq premières préoccupations en 1995, il a ensuite dégringolé à la 21ème place[1] en 2018.

Une rue de Genève

Évolution des politiques en matière de drogues en Suisse

Depuis les années 60, l’usage illégal de drogues est reconnu  comme un problème majeur au niveau mondial. En 1961, les Nations unies ont adopté la Convention unique sur les stupéfiants, laquelle permet de contrôler le trafic et l’usage de drogues au plan mondial[2].  Pourtant, malgré les efforts internationaux, la situation s’est aggravée: la fin des années 1980 a été marquée par une « panique » ou une « crise » liée aux drogues. L’inquiétude du public concernant la consommation de drogues illégales a pratiquement explosé, en raison de la montée en flèche de la consommation de crack dans les grandes villes des États-Unis et de l’épidémie d’héroïne sévissant en Europe. Le public était de plus en plus sensibilisé à ces questions via les médias, prompts à focaliser sur les aspects les plus dramatiques du problème, comme la concentration de l’usage de drogues au Platzspitz (Un parc de Zurich) où des milliers de toxicos avaient l’habitude de se rassembler chaque jour.

Au cours de la même période, l’épidémie de VIH et de sida a balayé la Suisse et le reste du monde, entraînant des changements radicaux dans les politiques de prise en charge de l’usage des drogues.

En 1985, il est devenu évident que la réutilisation des aiguilles et des seringues par les toxicomanes (le « partage des seringues ») était la principale voie de transmission du VIH chez les usagers de drogues. Pour répondre aux attentes de la population, la Suisse a été l’un des premiers pays à s’attaquer efficacement au problème par le biais de programmes de réduction des risques visant à réduire la propagation du VIH au sein du milieu de la drogue et des consommateurs de drogue vers d’autres groupes de population.

L’Office fédéral de la santé publique a commencé à financer l’échange de seringues, l’injection sécurisée et d’autres programmes de réduction des risques. En quelques années, la Suisse a mis en place des programmes de traitement à la méthadone à bas seuil et de thérapie assistée à l’héroïne. Puis, en 2008, les Suisses ont approuvé le « modèle des quatre piliers » visant à réduire la consommation de drogues et ses conséquences négatives pour les consommateurs et la société, qui repose sur les quatre piliers que sont la prévention, la thérapie, la réduction des risques et la répression[3].

Cette évolution montre l’influence de l’attention et des préoccupations du public sur les politiques, que l’on retrouve également pour d’autres questions. En 2018 par exemple, les préoccupations concernant les « étrangers » et les réfugiés occupaient respectivement les 3e et 4e places[4]. L’augmentation massive du nombre de personnes cherchant asile et protection sur le continent européen à cette époque a non seulement contribué à renforcer les craintes du public, mais aussi à polariser davantage la vie politique du pays, incluant son parlement et ses différents partis[5].

En 2020, la pandémie de coronavirus et ses conséquences ont remplacé la santé et la prévoyance vieillesse aux premières places des préoccupations sociales. En outre, le changement climatique et l’environnement ont été cités comme préoccupations premières par 29 % des personnes interrogées la même année[6].

Objectifs et stratégie de développement durable

Le développement durable et la protection de l’environnement revêtent une grande importance pour la Suisse depuis longtemps[7]. Comme indiqué dans l’Examen national volontaire 2018 du pays –  le processus par lequel les pays évaluent et présentent les progrès nationaux réalisés dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 – la Suisse a adopté sa toute première loi dédiée à la protection de ses terres contre l’impact négatif de la déforestation il y a près de 150 ans. Il convient en outre de noter que deux des trois priorités fixées dans la Stratégie 2030 pour le développement durable[8] – le document qui décrit les thèmes prioritaires et les orientations stratégiques du Conseil fédéral dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 – sont directement liées aux questions de durabilité en tant que telles, à savoir Consommation durable et production durable, et Climat, énergie et biodiversité. Le troisième thème prioritaire, l’égalité des chances et la cohésion sociale, repose sur une approche à trois volets visant à promouvoir l’autodétermination, à assurer la cohésion sociale et à garantir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.  En ce qui concerne ce dernier point, et comme le reconnaît le document, le pays n’a pas été à la hauteur de ses ambitions et d’autres efforts doivent être consentis afin d’éradiquer les inégalités structurelles, promouvoir l’autodétermination des femmes, et prévenir et combattre la violence fondée sur le genre.

L’exemple de Genève

Les préoccupations sociales ne se reflètent pas seulement au plan politique. En 2019, le Conseil d’État genevois a réalisé une vaste enquête prévisionnelle auprès de la population, des organes administratifs et des experts, dont l’objectif était d’identifier les principales préoccupations et les objectifs de la population genevoise concernant son avenir, ainsi que la manière dont le canton pourrait améliorer la vie des gens. La qualité de vie dans le canton apparaît relativement élevée, 85 % des personnes se déclarant satisfaites de leur vie à Genève.

La qualité de l’air et son impact sur la santé constituent la préoccupation majeure de cette étude. L’environnement et l’écosystème sont considérés comme les principaux facteurs déterminant de la santé (83%), suivis de près par le mode de vie et le comportement individuel (75% et 66%).

En outre, les personnes interrogées mentionnent les questions d’urbanisme comme un domaine présentant d’importantes marges d’amélioration: les répondants réclament davantage d’espaces verts, une architecture plus inclusive et une réduction du stress et des niveaux de bruit. Il est également urgent de renforcer les fondements juridiques régissant les questions de genre afin de combattre adéquatement les discriminations et de les violence fondées sur le genre, l’identité de genre et l’orientation sexuelle. Une conclusion intéressante de cette enquête est que le canton devrait être le principal contributeur au développement de Genève à l’avenir, reflétant ainsi le fédéralisme du système cantonal suisse[9].

L’évolution des préoccupations sociales en Suisse, et plus particulièrement à Genève, au cours des dernières années, démontre bien l’influence des circonstances sociales et environnementales. Parmi les besoins essentiels mentionnés dans l’enquête figurent le bien-être individuel et la cohésion sociale. Les préoccupations pour l’environnement et sa prise en charge adéquate ont fortement augmenté au cours de la dernière décennie, alors que les conséquences du changement climatique sont devenues de plus en plus évidentes, captant l’attention et l’intérêt des gens. Enfin, l’influence de l’environnement sur la santé des personnes n’est plus l’apanage des scientifiques ou des politiques.


 

[1]      https://www.swissinfo.ch/eng/2019-elections_what-people-in-switzerland-worry-about/44997722

[2]      https://ssir.org/articles/entry/inside_switzerlands_radical_drug_policy_innovation

[3]      https://www.drugpolicyfacts.org/sites/default/files/MaPaDro_3_en.pdf

[4]      https://www.swissinfo.ch/eng/2019-elections_what-people-in-switzerland-worry-about/44997722

[5]      https://www.sgi-network.org/2020/Switzerland/Key_Challenges

[6]      • Most important problems in Switzerland 2020 | Statista

[7]      https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/27706switzerlandvnrstatementeng.pdf

[8]      https://www.are.admin.ch/are/en/home/sustainable-development/strategy/sds.html

[9]      https://www.ge.ch/dossier/geneve-2050


 

[1]     https://www.swissinfo.ch/eng/2019-elections_what-people-in-switzerland-worry-about/44997722

[2]     https://ssir.org/articles/entry/inside_switzerlands_radical_drug_policy_innovation

[3]     https://www.drugpolicyfacts.org/sites/default/files/MaPaDro_3_en.pdf

[4]     https://www.swissinfo.ch/eng/2019-elections_what-people-in-switzerland-worry-about/44997722

[5]     https://www.sgi-network.org/2020/Switzerland/Key_Challenges

[6]     • Most important problems in Switzerland 2020 | Statista

[7]     https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/27706switzerlandvnrstatementeng.pdf; https://sustainabledevelopment.un.org/memberstates/switzerland

[8]     https://www.are.admin.ch/are/en/home/sustainable-development/strategy/sds.html

[9]     https://www.ge.ch/dossier/geneve-2050