Les centres ne prennent généralement pas en considération les droits ou le bien-être des enfants dont les parents sont en traitement, il faut changer la donne
Par Caroline Fuller – Des progrès récents ont été réalisés dans la conception des programmes de traitement des dépendances. Pourtant, si le concept de « l’intérêt supérieur » de l’enfant a été établi pour la première fois par la Convention des droits de l’enfant en 1989, une question importante reste en suspens : répondre de manière adéquate aux besoins des enfants durant la période de traitement de leurs parents.
Des approches thérapeutiques centrées sur les adultes
Les approches thérapeutiques étant centrées sur les adultes, les enfants ne sont pas considérés comme faisant partie intégrante du processus de rétablissement. Pourtant, selon l’article 33, c’est un droit humain fondamental et les États membres ont l’obligation: « de protéger les enfants contre l’usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (… et) empêcher que des enfants ne soient utilisés pour la production et le trafic illicites de ces substances ».
Les centres ne prennent généralement pas en considération les droits des enfants lorsque leurs parents sont en traitement. Les spécialistes du traitement des dépendances peuvent s’inquiéter de leur bien-être, mais ils n’interviennent pas dans leur vie personnelle. Cette situation est problématique car les femmes s’abstiennent souvent de suivre un service de traitement, car ces derniers sont rarement axés sur la famille, un défaut de conception qui engendre une barrière sexospécifique qui a un impact direct sur les droits de l’enfant.
Droits des enfants dans les services d’addiction
Une étude de Dianova: lire le résumé exécutif
Mieux répondre aux besoins des enfants
La conception des traitements devrait reposer sur une perspective sexospécifique solide, capable de mieux répondre aux besoins des enfants. Cependant, alors que le statu quo demeure, les enfants et les adolescents sont laissés sans protection: ils peuvent être exposés à des violences sexiste lorsqu’ils sont dans des centres pour mineurs, ou à une dépersonnalisation et un manque de soutien lorsqu’ils rejoignent leur famille. Pour cette raison, l’absence de supervision ou de prévention professionnelle auprès des enfants qui se trouvent dans cette situation doit être abordée en profondeur (1).
Pour les femmes, des barrières à l’entrée et à la poursuite du traitement
Des recherches antérieures ont montré que les femmes qui subissent des violences de la part de leur partenaire intime sont 15 fois plus susceptibles de consommer des drogues. Dans un premier temps en effet, la consommation de drogues permet à ces femmes de mieux faire face à la violence exercée à la maison (Hansen Rodriguez, G., 2019). En outre, entamer un programme de traitement des dépendances est une étape difficile pour les femmes en raison des difficultés qu’elles rencontrent. La stigmatisation qui entoure la dépendance, la dépression et la peur de perdre la garde des enfants, font partie des nombreux obstacles qui les retiennent d’entrer dans un traitement des dépendances et dans les services sociaux. Enfin, il leur est difficile non seulement d’entrer dans ces services, mais aussi de les poursuivre jusqu’à leur terme, car elles doivent rapidement s’occuper de nouveau de leur foyer de leurs enfants.
Les enfants aussi peuvent bénéficier du traitement suivi par leurs parents
L’idéal est que les enfants comprennent la situation de leurs parents : pourquoi ils se droguent, comment la consommation de drogue les affecte et comment ils pourraient s’améliorer grâce à un traitement. Cependant, ils ne veulent pas nécessairement parler de ces questions, ni être impliqués, ou être capables d’être impliqués dans le processus de traitement (Estudi sobre la situació dels fills i filles de les persones usuàries de la XAD : Informe ejecutivo – 2019).
Pourtant, lorsque leurs parents entrent dans un service de traitement, les enfants ressentent souvent un soulagement et une amélioration de leur vie, car ils savent que leurs parents obtiennent l’aide dont ils ont besoin. Les enfants ont tendance à devenir très isolés car leurs parents ont tendance à décourager les interactions avec les amis de l’école. En outre, le personnel des centres de traitement ne reçoit pas la formation nécessaire pour apporter à ces enfants l’aide dont ils ont besoin pour surmonter cette période difficile, alors qu’il est essentiel pour eux d’avoir une personne de confiance à qui parler.
Adapter les centres aux besoins des enfants et des ados
Les centres de traitement ne devraient pas seulement traiter les parents, mais aussi s’assurer que leurs enfants sont en sécurité, qu’ils sont pris en charge et qu’ils disposent des bons outils pour aller mieux. À cet égard, les interventions fondées sur la famille peuvent être fructueuses et saines, car les personnes qui consomment des drogues sont considérées dans leur propre contexte social et économique et dans leurs propres réseaux de relations. Leurs familles et leurs enfants sont considérés comme des entités qui ont besoin de protection, qui doivent être soutenues, stabilisées et accompagnées. Les mesures à mettre en place comprennent par exemple des espaces sûrs où les enfants peuvent parler librement des défis auxquels ils sont confrontés, où ils se sentent soutenus et aidés dans leurs tâches quotidiennes et scolaires, et où ils peuvent avoir des interactions sociales saines qui favorisent leur développement personnel.
Dianova mène une recherche sur la façon dont les centres de traitement répondent aux besoins des enfants et identifie les moyens de promouvoir des pratiques centrées sur la famille et respectueuses des besoins des enfants. Grâce à cette recherche, Dianova espère pouvoir rassembler les meilleures pratiques des centres du monde entier, et formuler des recommandations concrètes sur comment mieux développer des programmes et des centres de traitement qui prennent en compte la perspective des droits de l’enfant.
Références
Estudi sobre la situació dels fills i filles de les persones usuàries de la XAD : Informe ejecutivo (2019). Federación Catalana de Drogodependències y Subdirección general de Drogodependència de Catalunya.
Hansen Rodriguez, G., 2019. La perspective de genre dans les programmes et services de toxicomanie. Dianova. consulté le 17 juin 2021.