Dépendance à l’alcool : le programme d’intervention spécialisé de Dianova Italie

Depuis plus de quinze ans, Dianova Italia met en œuvre un module spécialisé de 14 personnes  pour les personnes en difficulté avec l’alcool ou polydépendantes

Dianova Cozzo

Une vue de la communauté de Dianova Italie à Cozzo, près de Pavie – la photo a été prise au tout début de la pandémie, on peut lire sur le panneau : « Tout va bien aller » – Dianova Italie, tous droits réservés

Par Ombretta Garavaglia (Dianova Italie) – Avant d’aborder l’intervention proposée par Dianova, il est nécessaire de faire une brève mise au point sur les caractéristiques de la personne dépendantes de l’alcool dans le contexte résidentiel de la communauté thérapeutique, généralement caractérisée comme le lieu de « traitement » des usagers de drogues. De fait,  la dépendance à l’alcool a toujours été traitée principalement de manière ambulatoire ou par le biais de groupes d’entraide (Alcooliques anonymes).

Un modèle résidentiel d’intervention

Au fil du temps, sur la base des expériences des différents services, nous avons vu la nécessité de mettre en place un modèle d’intervention résidentiel adapté à l’accueil des personnes en difficulté avec l’alcool mais qui ne sont pas en mesure d’atteindre l’abstinence via un programme ambulatoire. Une telle étape a aussi, culturellement, une grande importance en termes de prise en compte par la société du phénomène de la dépendance à l’alcool, une question souvent sous-estimée ou associé aux seules personnes marginales un peu trop portées sur la bouteille.

Le module pour les personnes alcooliques et polydépendantes de la Communauté Dianova de Cozzo a été créé suite à une formation réalisée avec des professionnels de différentes structures résidentielles du secteur privé et public ; l’objectif était de définir un modèle d’intervention pour les personnes dépendantes de l’alcool dans un contexte résidentiel.

Objectif : atteindre le plus haut degré d’autonomie possible

Depuis 2004, ce module en constante évolution a été développé à travers une approche impliquant une forte synergie d’intervention avec les services publics ou privés.

 

Comme dans toutes les communautés de Dianova Italie, le programme utilise les instruments ICf-Recovery, ce qui permet d’avoir une vision globale de la problématique et des besoins des bénéficiaires. Plus précisément, les problèmes critiques qui sont à la base du développement de la dépendance à l’alcool sont contextualisés, analysés, abordés et traités dans l’histoire de la personne.

Un parcours individuel

Ces aspects sont examinés en profondeur afin de construire un parcours individuel qui définit les objectifs à atteindre et quand, ce parcours étant mis en œuvre dans un cadre communautaire où l’intervention éducative se met en place avec la participation de différents acteurs: le thérapeute de référence, le groupe de pairs/partenaires du parcours et l’équipe du centre. Le caractère spécifique du contexte résidentiel permet à la personne d’expérimenter de nouvelles manières de se comporter,  d’interagir dans les activités quotidiennes et d’appliquer en pratique les objectifs attendus. Une intervention psychothérapeutique individuelle est également mise en place, soutenue par la méthode de psychothérapie EMDR, mise en place en 2016 et utilisée depuis.

Infographie alcool

Extrait d’une infographie conçue par Dianova Italie pour sensibiliser aux dangers liés à la culture de l’alcool

L’importance de la famille en tant que « lieu de retour »

Il est important de souligner que des entretiens spécifiques sont prévus avec la personne mais aussi avec les membres de sa famille, dans le but de favoriser une meilleure prise de conscience et travailler sur le changement, compte tenu des dynamiques relationnelles parfois dysfonctionnelles dans la famille. Il faut aussi tenir compte du fait que famille est la plupart du temps le lieu de  » retour  » post-programme et il est donc nécessaire que celle-ci ait conscience du rôle qu’elle doit jouer via la mise en place de comportements protecteurs et non plus à risques.

Déconstruire les clichés sur l’alcool

Parmi les outils utilisés dans le programme, les groupes jouent un rôle central et sont réalisés au cours des différentes phases du processus de traitement. Le premier groupe, ou « groupe d’information » est mis en place au début du programme, sous la supervision d’un éducateur et de l’équipe de soins; il a pour objectif de sensibiliser aux facteurs associés à l’usage problématique de substances en abordant différentes questions telles que les stéréotypes sur l’alcool, la santé, les facteurs culturels, sociaux et cliniques – mais aussi de favoriser des débats sur la perception que les individus ont de leur propre problème de dépendance à l’alcool.

Mise en œuvre de stratégies alternatives de prévention

Un deuxième groupe, dit « groupe spécialisé » est ensuite animé par un psychologue. L’objectif du groupe est de travailler sur les aspects individuels liés aux difficultés de chacun avec l’alcool, ainsi que sur les déclencheurs de la consommation, afin de mettre en place des comportements et/ou des stratégies alternatives à la consommation.

 

Enfin, le programme propose d’autres outils fonctionnels adaptés au parcours de soins, comme des ateliers, des groupes expérientiels, des activités externes ou in situ, etc.

Les personnes en grande difficulté avec l’alcool font face à de nombreux facteurs de risques. Les références à l’alcool sont omniprésentes dans la vie quotidienne: apéritifs entre collègues, dîners d’entreprise, réunions de famille, etc.

Les personnes en difficulté avec l’alcool et fraîchement abstinentes peuvent s’y sentir inadéquates et déplacées. Pourtant, elles doivent demeurer confiantes dans leurs choix, sans devoir s’exclure du contexte convivial pour se protéger.

Lever de soleil à Cozzo

Lever de soleil dans la communauté de Cozzo

Le caractère spécifique d’un environnement protégé

Au vu de ces éléments, le parcours de soins prévoit plusieurs sorties en dehors du contexte protégé de la communauté, afin de pouvoir travailler sur les difficultés rencontrées après la sortie du programme et aider la personne à comprendre la nécessité d’une abstinence complète et définitive. Il s’agit là d’un autre aspect essentiel, car beaucoup demeurent convaincus qu’ils ou elles ont la possibilité passer de la dépendance à une consommation sociale et à une gestion équilibrée de leur consommation. Nous pensons que c’est malheureusement impossible.

En conclusion, nous pouvons dire que le problème de la dépendance à l’alcool nécessite une attention spécifique pour plusieurs raisons.

En premier lieu, la consommation s’accompagne de nombreux stéréotypes, mythes et fausses croyances qui sont transmises au fil du temps. Ensuite, le problème de dépendance est identifié souvent tardivement en raison de la facilité d’accès de l’alcool et d’un contexte de consommation souvent banal.

Il en résulte que la personne et son entourage ont tendance à sous-estimer le problème et à remettre la demande d’aide à plus tard. Et c’est justement à partir de ces constats que le programme de la communauté de Cozzo a été mis en œuvre.