Anthony Gelormino est président de la Fédération Mondiale des Communautés Thérapeutiques
Comment est né la Fédération mondiale des Communautés Thérapeutiques?
Il y a 40 ans, les membres des communautés thérapeutiques appartenant à une organisation appelée ICAA (fondée en 1907) ou Conseil international sur l'alcool et les toxicomanies, ont assisté à une conférence lors de la section communautés thérapeutiques dirigée par Mgr O'Brien (fondateur de Daytop Village ndr). Selon lui, chaque science prétendait avoir un modèle explicatif des addictions, mais nul n'envisageait pas une explication globale, dans laquelle l'individu se serait trouvée au centre de la question. Personne ne parlait encore de l'individu.
Les communautés thérapeutiques (CT), elles, s'intéressaient aux individus. Pour la CT, l'addiction n'était que le symptôme d'un problème. Dans les années 80, lors du congrès de Stockholm, la section des communautés thérapeutiques s'est déclaré indépendante. Elle s'est organisée comme une ONG et a fondé la Fédération mondiale des communautés thérapeutiques (WFTC) avec le concept de l'individu au centre du débat. Cette organisation est devenue le porte-parole de l'idée de réadaptation et de réinsertion dans le domaine des addictions, à savoir, une approche nouvelle et globale de la question. Depuis cet événement et durant plus de dix ans, une conférence annuelle a été organisée par Fédération mondiale. Actuellement, une conférence biannuelle se tient au niveau régional et international.
En ce qui concerne la WFTC, quels seront les changements dans l'avenir?
Le plus gros défis pour la fédération sera de ne pas se sentir dépassée par les défis particuliers de chaque région, notamment en ce qui concerne l'interdépendance des programmes d'addiction et le besoin de fonds publics – étant donné que plus grande est la dépendance vis-à-vis de ces fonds provenant de gouvernements, plus les traitements sont tributaires de la politique des drogues du gouvernement en place, et de l'idée qu'il se fait de la réadaptation de la personne.
"Un autre défi est de définir une ligne d'action homogène entre les régions, et ce malgré le fait que le phénomène des addictions soit à chaque fois différent, sans se sentir débordé et tout en continuant à mettre la personne au cœur du processus. Il y a aussi la tendance, je dirais même l'insistance à avoir des traitements de plus en plus courts. Cela ne poserait pas de problème si les ressources post-traitement et autres réseaux de soutien social étaient développés et apportaient une continuité au processus de soutien de la personne"
Le concept de réadaptation est fondamental, même s'il existe différents façons d'estimer les résultats d'un programme. De fait, il ya environ six ans, un document a été rédigé pour soutenir le concept et nous avons été impliqués jusqu'aux Nations Unies dans cet objectif, même si, malheureusement, le concept de "réadaptation" n'a pas été retenu. C'est d'ailleurs quelque chose sur lequel Dianova a travaillé fort et je les en félicite.
Le concept de communautés thérapeutiques peut-il être utile à d'autres groupes ou profils à risque d'exclusion sociale?
Lorsqu'on travaille en communauté thérapeutique, on prend en charge une problématique spécifique, par exemple les addictions. Mais la communauté offre une multitude de services qui permettent de venir en aide aux personnes d'un point de vue holistique. En général, la personne doit non seulement faire face à un problème, mais aussi à de nombreux facteurs qui influencent sa situation actuelle. Les communautés ont une influence positive sur de nombreux autres domaines, bien au-delà de ce à quoi on pensait a priori. Nous effectuons un travail très important auprès des familles, avec un vaste réseau de bénévoles, en collaboration avec la société civile, le quartier, etc.
Il est important de souligner que la communauté thérapeutique est un avantage pour les résidents, mais aussi pour la société. Il faut comprendre que c'est l'ensemble de la société qui est positivement impactée par les programmes qui sont mis en œuvre dans la communauté thérapeutique. Nous devons adapter la communauté thérapeutique aux besoins actuels de la société; c'est possible car nous travaillons avec un modèle d'intervention souple qui nous permet de mener à bien cette adaptation.
Pour pouvoir mettre en œuvre un bon programme et travailler avec les personnes d'un point de vue holistique, on a besoin de temps. C'est de cette façon que l'on peut restaurer la personne, lui donner de l'autonomie afin qu'il puisse en retour contribuer à la société et boucler la boucle. Actuellement on insiste beaucoup sur la recherche, mais non pas sur la recherche en addictions, car c'est un sujet que l'on connaît plutôt bien, mais sur la recherche en prévention et en réadaptation. Et là, on peut revenir au début de l'entretien, quand Mgr. O'Brien a déclaré il y a 40 ans que toutes les sciences portaient une partie de l'explication du problème et qu'il fallait utiliser un concept holistique. Désormais, nous devons axer la recherche non seulement ce qui rend les personnes addictes, mais aussi sur ce qui leur permet de se réadapter et de se libérer de l'addiction.