Quand l’objectif final est de disparaître

Claudio Drapkin

"Dianova atteindra son but lorsqu'il n'y aura plus de personnes vulnérables ayant besoin d'aide. Son ultime réussite, c'est de n'être plus nécessaire"

A l'occasion de la journée mondiale des volontaires, nous publions un texte sur l'atelier-débat animé bénévolement par Claudio Drapkin lors de la dernière assemblée de Dianova, sur le thème « stratégie et prise de décision ». Notre objectif : créer un cadre de référence et pousser plus loin la réflexion stratégique que nous avons conduite lors de l’assemblée.

Claudio est directeur et partenaire de la société Solo Consultores, membre du conseil professionnel de l’Institut Relacional de Barceloneet collaborateur académique de l’ESADE, de l’idEC UPF Barcelona School of Managementet de l’EAE.

Livre: Verdades en juego, par Claudio DrapkinLa mission de Solo Consultores et de son équipe vise à l’accompagnement des processus de changement et de transformation des organisations issues de différents domaines et secteurs d’activité, depuis une perspective propre, soit le modèle de Valeur Totale[1], dont le but est de faire la synthèse des leviers de gestion fondamentaux d’une organisation donnée, afin que celle-ci puisse durer au sein d’environnements incertains : capacité à gérer de la valeur économique de la même façon qu’elle génère de la valeur relationnelle, tout en développant un niveau adéquat de capacité de changement et d’adaptation.

Après avoir tracé le cadre conceptuel général de ce qu’est la stratégie et de son rôle dans la gestion des organisations, Claudio a passé en revue les considérations que doit prendre la réflexion stratégique dans les moments que nous vivons. L’environnement VUCA (Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous) dans lequel nous sommes immergés requiert une approche bien plus complexe et ouverte que le simple processus séquentiel et linéaire classique de la conception stratégique. C’est pourquoi, j’ai proposé un parcours jalonné par six idées force :

  •   La stratégie vise à survivre. La réflexion stratégique est une manière de penser qui vient élargir les possibilités de « durer », élargir nos possibilités d'action et de développement.
  •   La stratégie vise à rechercher un ajustement entre l’environnement externe et interne. La stratégie n’implique rien d’autre qu’une réponse spécifique de l’environnement interne d’une organisation vis-à-vis de ce qui est exigé de son environnement. Elle suppose une réponse adaptée et multiforme : un plan pour l’avenir, un modèle de comportements cohérents dans le temps, un positionnement spécifique sur le « marché », ou encore une manœuvre tactique à un moment choisi.
  •   La stratégie implique d’écouter et de comprendre l'environnement en profondeur. La stratégie implique de développer une sensibilité et une écoute adéquate de l’évolution et des tendances de l'environnement. Il est donc stratégique de savoir lire l’environnement, et d’autant plus que la mondialisation, les progrès de la connaissance et la technologie font de cet environnement un espace toujours plus instable, incertain, complexe et ambigu. 
  •   La stratégie implique de savoir créer une intelligence organisationnelle. C’est comprendre que le passé n’explique pas l’avenir et que la capacité de traitement de l’environnement en vue d’apporter une réponse adéquate implique de développer la capacité de comprendre, de hiérarchiser, d’organiser ce qui actuellement se passe, ainsi que de flexibiliser les processus, les ressources et les croyances organisationnelles.
  •   La stratégie consiste à faire bouger les choses. La stratégie s'appuie sur la capacité de l'organisation à être capable de transformer la stratégie en actions efficaces et efficientes. A être excellents au plan opérationnel.
  •   La stratégie est le processus qui assure la préservation de l'identité. Comme elle aspire à la pérennité de l’organisation, la stratégie veut préserver l'identité. C’est pourquoi une organisation est d’autant plus forte que son identité est solide, en termes de : que faisons-nous ? Pour qui le faisons-nous ? et Comment le faisons-nous ?

La matinée s’est conclue par une discussion ouverte sur les doutes soulevés par le débat ainsi que sur une évaluation du niveau de présence de ces six idées forces au sein de Dianova.

Le processus a été ouvert et participatif avant de culminer sur une réflexion qui a conduit tous les participants à un tout dernier apprentissage. Au fond, ce qui est stratégique pour Dianova selon les termes de la première idée force cache en fait ce qui est pour nous un paradoxe.

Dianova atteint son objectif ultime à partir du moment où il n’y a plus de personnes vulnérables ayant besoin d’aide. Elle atteint son but lorsqu’elle aura permis l’instauration d’une véritable autonomie pour chacun de ses usagers, qui  par conséquent n’auront plus besoin de son aide.

La réussite ultime de l’organisation, c’est de n’être plus nécessaire. C’est de disparaître. Mieux nous faisons notre travail, moins on a besoin de nous. Quel paradoxe splendide et quel incroyable défi à relever !

[1]Voir le livre “Verdades en Juego: Un mapa para construir organizaciones poderosas”. Drapkin. C. Códice Editorial (2014)