Politiques des drogues et droits humains

Il est essentiel d’intégrer le respect des droits humains aux politiques en matière de drogues, surtout pour construire l’après Covid

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Nous devons passer du simple discours sur le respect des droits humains à des politiques sur les drogues efficaces et véritablement respectueuses de ces droits. Image: United Nations, Human rights Office of the High Commissioner

Par Pierre Bremond – Chaque année le 10 décembre, la journée des droits de l’homme rappelle l’importance de ces droits dans la construction du monde auquel nous aspirons. C’est une évidence : il sera impossible de bâtir ce monde sans solidarité internationale, sans pouvoir compter sur cette connexion que nous partageons tous en tant qu’êtres humains.

Cette vérité fondamentale doit être réaffirmée dans un monde abîmé par la crise du Covid. Comme les Nations Unies le soulignent, nous n’atteindrons nos objectifs mondiaux communs que si nous sommes capables de créer l’égalité des chances pour tous, de remédier aux échecs qui ont favorisé la crise du Covid-19, et d’appliquer les normes relatives aux droits humains pour lutter contre les inégalités, l’exclusion et la discrimination.

Des droits étroitement associés au développement durable

Le Programme pour le développement durable à l’horizon 2030 est intrinsèquement lié aux droits humains. Selon l’Institut Danois pour les droits humains, 90 pour cent des 169 cibles associées aux objectifs de développement sont d’une manière ou d’une autre en lien avec les droits humains.

Nous savons aussi que les approches fondées sur les droits humains sont essentielles à la promesse qui est au cœur du Programme 2030 : ne laisser personne en arrière. Mettre en œuvre des opportunités de développement plus durables et plus efficaces en promouvant l’autonomisation, l’inclusion et l’égalité des opportunités.

Violations des droits humains des personnes qui consomment des drogues

Les droits humains constituent la fondation même du développement durable, et d’autant plus dans cette période de crise. Pourtant, de nombreux pays continuent de refuser ces droits à une partie de leur population : les personnes qui consomment des drogues.

Jusqu’à récemment, la réponse mondiale apportée au « problème des drogues » visait seulement à réduire, puis éventuellement à éliminer, la production illicite, le trafic et l’usage de substances psychoactives.

Cette réponse a entraîné le développement de politiques essentiellement fondées sur la répression. Comme le Comité des Affaires Sociales du Conseil de l’Europe le signalait déjà en 2015, ces politiques ont entraîné des violations des droits humains à grande échelle, dont le droit à la santé, ainsi que des conséquences désastreuses en matière de santé publique.

Les politiques punitives en matière de drogues sont associées à des discriminations, à un usage disproportionné de la force, des condamnations trop sévères pour des délits liés aux drogues mais sans violence, ou encore à la surpopulation carcérale.

Peine de mort 

Pire encore, alors que selon la législation internationale la peine de mort ne devrait s’appliquer qu’aux pires crimes (meurtre, assassinat), la possession de quantités infimes de stupéfiants est encore passible de la peine de mort en Indonésie, en Malaisie, à Singapour, en Thaïlande et au Vietnam, entre autres.

Et pendant ce temps aux Philippines, la guerre contre les drogues du président Duterte se poursuit. Depuis son élection en 2016, cette guerre a entraîné des milliers de morts, souvent simples usagers de drogues victimes des assassinats extrajudiciaires ordonnés par les autorités. Des milliers de morts, dont parfois des enfants, sans faire reculer l’usage de drogues d’un iota.

La crise du Covid n’a fait qu’empirer la situation pour les usagers de drogues. Dans le contexte de confinement et donc d’isolement, les personnes qui consomment des drogues sont confrontées à des besoins et à des risques uniques, comme l’a souligné Dainius Pūras rapporteur des Nations Unies sur le droit à la santé.

Intégrer les droits humains aux politiques des drogues

Pendant des années, l’assemblée générale des Nations Unies a souligné que le problème mondial des drogues devait être abordé en pleine conformité avec les droits humains. Cet engagement a été de nouveau répété avec les recommandations énoncées en 2016 dans le document final de l’UNGASS.

 

De fait, plusieurs institutions transnationales ont appelé à passer des modèles répressifs à des politiques orientées vers la santé publique, fondées notamment sur la prévention, l’éducation, le traitement, la réhabilitation, la réinsertion sociale et la réduction des méfaits.

Plusieurs états ont mis en place ces mesures, ce qui a conduit à des changements dans la société dans son ensemble, via une réduction de la criminalité, des coûts moindres en matière de santé et de justice, moins de risques de transmission du VIH et autres infections, et enfin, un moindre niveau de consommation de drogues.

Passer du discours à la pratique

Il est possible de mettre en œuvre des politiques efficaces en matière de drogues intégrant le respect des droits humains. Pour y parvenir il faut s’appuyer sur des mécanismes d’évaluation transparents fondés sur des indicateurs spécifiques des processus et des résultats de ces politiques (incluant par exemple, l’accès aux services de traitement, de réinsertion ou de réduction des méfaits, et non plus seulement le nombre d’arrestations effectuées ou les flux du marché illicite)

C’est seulement à ce prix que l’on passera du simple discours de respect des droits humains, à des politiques efficaces sur les drogues véritablement respectueuses de ces droits.

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