Comment la consommation de drogues des parents affecte-t-elle les enfants ?

Ces enfants courent un risque accru de conséquences négatives incluant des problèmes médicaux, sociaux, psychologiques et comportementaux

Enfant avec les mains sur la fenêtre embuée

Les enfants dont les parents consomment des drogues représentent le préjudice caché des troubles liés à la consommation de drogues et des politiques fondées sur la stigmatisation et la criminalisation des drogues – Photo : Shutterstock

By Lucía Goberna – En marge de la 65ème session annuelle de la Commission des Stupéfiants, Dianova a organisé un événement parallèle sur le thème « Enfants et familles affectés par la consommation de drogues de leurs parents: lacunes et pratiques prometteuses » afin de mettre cette question à l’ordre du jour et de proposer des interventions et des recommandations concrètes sur la manière d’améliorer la situation des enfants concernés.

L’événement a eu lieu le 17 mars 2022 et a compté avec la participation de 139 personnes. Il était présidé par Florence Mabileau (Groupe Pompidou) et coparrainé par les gouvernements de Croatie et d’Italie, l’Association Proyecto Hombre, le Conseil de l’Europe – Groupe Pompidou, et la Fondation San Patrignano.

Cliquez ici pour voir la vidéo de l’événement ou faites défiler cette page, et téléchargez les présentations des intervenants)

Une population invisible

Les enfants dont les parents ou les personnes qui s’occupent d’eux consomment de l’alcool ou d’autres drogues courent un risque accru de subir des conséquences négatives à court et à long terme, allant de problèmes médicaux à des difficultés sociales, psychologiques et comportementales. Ils sont plus susceptibles que les autres enfants d’avoir un statut socio-économique inférieur, ils sont confrontés à des difficultés accrues dans les contextes scolaires et sociaux, et ils peuvent subir des effets directs tels que la maltraitance ou la négligence parentale.

Pourtant, bien qu’ils se trouvent dans des situations souvent dramatiques, ces enfants sont souvent enfouis dans le silence à cause de la honte et de la stigmatisation, et parce que leurs parents ou les personnes qui s’occupent d’eux manquent d’informations sur les ressources disponibles pour recevoir un soutien.

Les parents doivent faire face au double défi de la parentalité et de la toxicomanie. Ils ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide et ont tendance à vivre avec la peur de voir leur tutelle révoquée ou d’être passibles de sanctions s’ils révèlent leur problème de toxicomanie. Par conséquent, ils ont tendance à retarder leur demande d’aide, alors que leurs problèmes de toxicomanie deviennent de plus en plus centraux dans la dynamique familiale.

Children illustration

Image du flyer de l’événement – cliquer ici pour voir le flyer

Étude du Groupe Pompidou : recommandations aux États membres et aux programmes de traitement des toxicomanies

Lors de l’événement, les intervenants ont exploré la question sous différents angles et présenté des pratiques complémentaires. Corina Giacomello a présenté une étude menée par le Groupe Pompidou sur les enfants dont les parents consomment des drogues. L’étude s’est concentrée sur les programmes, services et pratiques mis en œuvre dans 16 pays et a identifié des pratiques prometteuses et des recommandations pour les Etats membres et les services de traitement de la toxicomanie.

Parmi les principales recommandations soulignées par Corina figure la nécessité de mettre en œuvre des stratégies intégrées pour répondre aux besoins de tous les enfants concernés aux niveaux local et national. En particulier, les services doivent cesser de travailler en silos et s’engager dans une collaboration ouverte. Un autre élément clé identifié est la nécessité d’améliorer la collecte de données et d’informations sur les enfants dont les parents consomment des drogues, et de faciliter leur diffusion pour produire des politiques publiques mieux informées. Enfin, elle a souligné que les services de traitement de la toxicomanie doivent être plus réactifs aux besoins des enfants concernés et de leurs parents, par exemple en proposant des crèches et des services de garde, en renforçant les capacités parentales en tant que partie intégrante du programme et en assurant un suivi étroit dans les services ambulatoires.

L’expérience croate

La Dr Jadranka Ivandić Zimić, de l’Institut croate de santé publique, a fait une présentation complète de l’expérience croate en matière de prise en charge des enfants de parents toxicomanes. Elle a en outre souligné la politique et les pratiques de l’État croate vis-à-vis des drogues et la manière dont les différentes parties prenantes travaillent ensemble, et a décrit les groupes cibles et leurs familles.

Elle a également mentionné les limites des programmes de prévention pour ces enfants et leurs familles. Comme elle l’a indiqué, les programmes de prévention spécifiques peuvent également avoir des conséquences négatives dans la mesure où ils peuvent indirectement contribuer à la stigmatisation de ces enfants.

Il est essentiel de renforcer l’approche individuelle et de fournir une assistance professionnelle dans les établissements préscolaires et scolaires. En tout état de cause, l’objectif ne doit pas être de retirer la garde des enfants mais d’encourager les parents sur la voie de la guérison, de les aider à devenir de meilleurs parents et de conserver le noyau familial.

Conférencières

Les conférencières lors de l’événement, de gauche en haut: Ana Trudov, Lucía Goberna, Dr. Jadranka Ivandić Zimić, Corina Giacomello, Florence Mabileau, Monica Barzanti, Dr. Gisela Rodriguez, Catherine Comiskey – Capture d’écran de l’événement

Ressources utiles pour les services de traitement des dépendances

Catherine Comiskey a expliqué comment travailler avec des enfants dont les parents consomment des drogues, à travers une intervention très claire et pratique. Elle a abordé des aspects tels que la manière d’estimer la prévalence et de connaître la gravité du problème, d’identifier les facteurs de risque et de protection (avec des outils tels que Réponses aux besoins des enfants de personnes consommant des drogues de l’OEDT). En outre, Catherine a décrit les caractéristiques des programmes efficaces dans ce domaine et a donné aux participants des informations sur l’évaluation des programmes de prévention (voir le registre XChange de l’OEDT), ainsi que des portails d’apprentissage en ligne pour le traitement des dépendances, tels que « Identifier et répondre à la dépendance aux drogues et à l’alcool dans la pratique des soins infirmiers, des sages-femmes et des soins de santé connexes« .

Prise en compte des droits de l’enfant dans les services de traitement des dépendances

Gisela Hansen a présenté l’étude et l’infographie préparées par Dianova sur la manière de protéger les droits des enfants affectés par la consommation de substances psychoactives de leurs parents, en tant que guide pour les services d’addictologie. Gisela a mis l’accent sur trois aspects concrets : le défi pour les professionnels, confrontés à leur obligation de protéger les enfants, tout en soutenant leurs parents ; la nécessité d’améliorer l’intégration de la dimension de genre dans les services ; et l’importance cruciale de répondre rapidement et efficacement aux violations des droits de l’enfant. Enfin, Gisela a présenté quelques recommandations sur la voie à suivre pour les services de toxicomanie.

Présentation d’un programme de soins intensifs en Italie

Monica Barzanti a présenté un programme de soins intensifs conçu pour prévenir le placement en institution des enfants vivant dans des familles vulnérables. Le programme d’intervention pour la prévention de l’institutionnalisation, ou P.I.P.P.I (inspiré de Pippi Longstocking (Fifi Brindacier en français), un personnage fictif dont la créativité et la résilience sont célèbres dans le monde entier) a été conçu par le ministère italien du travail et des politiques sociales et l’université de Padoue et a donné lieu à la publication de lignes directrices nationales sur « l’intervention auprès des enfants et des familles en situation de vulnérabilité » en 2017. Chaque famille en situation de vulnérabilité a le droit d’accéder gratuitement à ce programme.

Parmi d’autres éléments clés innovants, le programme s’appuie sur une équipe multidisciplinaire et sur la participation active des enfants et des familles à l’évaluation et à la prise de décision (outil Monde de l’enfant).

Au nom de Dianova, nous tenons à remercier les intervenants pour leurs excellentes contributions. Nous nous réjouissons que cette question fasse l’objet d’une attention accrue de la part des universitaires, des autorités publiques et des ONG, car elle a été abordée à de nombreuses reprises au cours de la CND65.

Vidéo de l’événement