Les femmes plus vulnérables face au changement climatique

Le changement climatique est le plus grand défi de notre époque, c’est pourquoi il est urgent d’éliminer les inégalités structurelles qui entravent la mise en place de solutions durables

No Planet B

Les femmes ont un accès et un contrôle limités aux biens et services environnementaux ; leur participation à la prise de décision est négligeable et elles ne sont pas impliquées dans la distribution des bénéfices de la gestion de l’environnement. Par conséquent, elles sont moins à même de faire face au changement climatique – image: Shutterstock

Par María Victoria Espada – L’inégalité entre les sexes constitue, avec la crise climatique et environnementale, le plus grand défi à relever aujourd’hui en matière de développement durable. Si la dégradation de l’environnement et les catastrophes naturelles concernent la planète entière et tous ses habitants, elles n’affectent pas tout le monde de la même façon, ni avec la même intensité. Ce sont les femmes et les filles, en particulier celles qui vivent dans des conditions vulnérables et marginalisées, qui sont touchées de manière disproportionnée.

L’égalité des sexes face aux changements climatiques

C’est précisément en raison de la relation étroite entre les urgences climatiques et l’inégalité entre les sexes que le thème prioritaire de la 66e Commission des Nations unies sur la condition de la femme (CSW66) était « Parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation de toutes les femmes et filles dans le contexte des politiques et des programmes relatifs au changement climatique, à l’environnement et à la réduction des risques de catastrophe ». Réunie à New York du 14 au 25 mars, la commission a discuté de ce thème pour la première fois de son histoire depuis sa conception en 1946. Le choix du thème était sans aucun doute conditionné par la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26) organisée à Glasgow aux mois d’octobre et novembre derniers ainsi que par la nécessité de progresser vers la mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Un document final jugé historique par les États membres

À l’issue de la CSW66, les États membres des Nations unies ont adopté par consensus les conclusions concertées, le document final qui définit les actions convenues pour lutter contre le changement climatique et l’inégalité entre les sexes. Considéré comme un « moment historique » par de nombreux États membres pour son contenu novateur, l’approbation du document est le résultat de longues heures de discussions et de négociations depuis la rédaction du premier projet en février dernier. Le processus n’est pourtant pas encore terminé. Les conclusions concertées doivent encore obtenir l’accord formel du Conseil économique et social (ECOSOC) et de l’Assemblée générale. Par la suite, les actions proposées dans le document seront intégrées les politiques et les programmes nationaux, dans certains cas par le biais d’amendements à la législation existante.

« Jusqu’à quatorze fois plus de risques de mourir »

Le document reconnaît que les femmes sont davantage vulnérables face aux conséquences du changement climatique que les hommes, principalement parce qu’elles vivent dans des conditions de plus grande pauvreté et que leurs moyens de subsistance dépendent davantage des ressources naturelles les plus menacées par le changement climatique. Elles sont également confrontées à des obstacles sociaux, économiques et politiques qui limitent leur capacité de réaction. Si l’on ajoute à cela l’inégalité d’accès aux ressources et aux processus décisionnels, il n’est pas étonnant que « certaines études soulignent que les femmes ont jusqu’à quatorze fois plus de risques de mourir que les hommes lors de catastrophes climatiques », comme l’indiquait le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, lors de la session d’ouverture de la CSW66.

Pas de progrès pour les uns sans progrès pour tous

Toutefois, le document souligne aussi que les femmes jouent un rôle clé en tant « qu’agents du changement » et pour la sauvegarde de l’environnement. Les femmes possèdent des connaissances et une expérience solides qui peuvent être intégrées dans les propositions et les stratégies d’adaptation en matière d’atténuation du changement climatique et de réduction des catastrophes environnementales. Le rapport propose donc aux États membres d’accroître la participation pleine, significative et égale des femmes à ces réponses, et d’intégrer la perspective de genre dans les politiques et les programmes. « Nos défis mondiaux sont interconnectés. Il n’y aura pas de progrès pour les uns sans progrès pour tous. L’urgence climatique et l’inégalité des sexes sont deux des défis les plus importants auxquels nous sommes confrontés », a déclaré Sima Bahous, directrice exécutive d’ONU Femmes, lors de l’ouverture de la CSW66.

Les obstacles que rencontrent les militant·e·s des droits humains

Les conclusions concertées de la CSW66 ont également souligné le rôle crucial que jouent les organisations de la société civile et l’importance de leurs contributions, depuis la sphère locale à la sphère internationale. Malheureusement, la CSW a également fait état de préoccupations concernant les défis et les obstacles auxquels de nombreuses organisations féministes de base et de militant·e·s des droits humains sont confrontés pour travailler et défendre leurs idées. Comme le remarquait Sima Bahous: « le soutien, les ressources, l’appréciation et la reconnaissance des mouvements en faveur de l’égalité des sexes et de l’action pour le climat sont insuffisants », et António Guterres a enfoncé le clou en soulignant que « nous assistons à un renversement des droits des femmes et nous devons contrer ce renversement ».

Une relation étroite entre santé mentale et changement climatique

La participation des organisations non gouvernementales (ONG) est un élément clé de la CSW depuis sa création. Bien que la représentation de ces dernières aux sessions officielles soit actuellement limitée en raison de la pandémie, de nombreuses ONG ont contribué aux déclarations écrites et orales sur le thème prioritaire du débat. Cette année par exemple, Dianova International a souhaité mettre en avant la relation étroite entre la santé mentale et le changement climatique et la nécessité d’intégrer cette approche dans toutes les politiques et les programmes de développement.

Remettre en question les stéréotypes qui alimentent les inégalités

Comme lors des sessions précédentes, Dianova International a également organisé un événement parallèle dans le cadre du forum virtuel des ONG de la CSW66 (NGO CSW66), sur le thème « Les femmes à la tête de solutions durables aux menaces climatiques ». Lors de l’événement, les intervenant·e·s  ont souligné la nécessité d’adopter des solutions écoféministes aux défis climatiques, d’intégrer le point de vue des communautés locales, de remettre en question les stéréotypes qui alimentent les inégalités entre les sexes et de reconnaître les femmes en tant que chefs de file du changement – des idées en adéquation avec les décisions concertées de la CSW66.