Les expériences atroces des femmes en prison

Dans de nombreuses régions du monde, y compris dans les pays démocratiques, les femmes issues de minorités sont confrontées à des peines plus sévères et parfois à des violences

Femmes en prison

Les femmes incarcérées se heurtent à des obstacles dans l’accès aux programmes et services de traitement qui répondent aux besoins qui leur sont propres – Photo by Sinitta Leunen on Unsplash

Par María Victoria Espada – « Surmonter la stigmatisation et la violence à l’égard des femmes détenues et celles qui utilisent des drogues » était le thème de l’événement parallèle co-organisé par Dianova, le Consortium International pour les Politiques des Drogues (IDPC), le Bureau de Washington pour l’Amérique latine (WOLA) et le Réseau International des Femmes pour la Réduction des Risques liés aux Drogues (WHRIN) dans le cadre de la 65e session de la Commission de la condition de la femme (CSW65) et du Forum virtuel des ONG de la CSW65, le 24 mars dernier.

Augmentation du nombre de femmes en prison

Selon les données du World Prison Brief, la population carcérale féminine a augmenté de 17 % au cours de la dernière décennie, pour atteindre environ 741 000 femmes dans le monde. L’Asie a connu la plus forte progression (50%), suivie de l’Afrique et de l’Amérique latine (24% et 19%). Dans les Caraïbes, le nombre de femmes en prison est resté constant, tandis qu’en Europe, il a diminué de 29 %.

Lors de son discours d’ouverture, Mary Chinery-Hesse, membre de la Commission des drogues de l’Afrique de l’Ouest et représentante de l’IDPC au Ghana, a noté que les chiffres font aussi état d’une augmentation du nombre de femmes criminalisées et incarcérées pour des délits mineurs liés aux drogues. Selon elle, ces données reflètent les approches sévères mises en œuvre à l’encontre des femmes qui commettent des délits dans un contexte de violence, de pauvreté et de discrimination. Cependant, grâce au travail de sensibilisation mené par la société civile, les gouvernements ouest-africains sont désormais plus réceptifs aux politiques de décriminalisation. « Il est crucial de veiller à ce que les décisions et les politiques soient conformes aux protocoles internationaux », a souligné Mary.

CSW65 event

Intervenantes à partir de la gauche, dans le sens des aiguilles d’une montre: Marie Nougier, modératrice (IDPC), Gisela Hansen (Dianova), Mary Chinery-Hesse (West African Commission on Drugs), et Andrea James (National Council for Incarcerated and Formerly Incarcerated Women). Pas sur l’image: Ruth Birgin, représentante du Women and Harm Reduction International Network, et Kenya Cuevas, fondatrice, la Casa de las Muñecas Tiresias

Aux Etats-Unis, les femmes issues des minorités sont condamnées plus lourdement

Réduire les niveaux d’incarcération des femmes et des filles aux États-Unis rechercher des solutions alternatives au sein des communautés concernées constitue le principal travail du Conseil national pour les femmes incarcérées ou anciennement incarcérées.

 

« Ce qui est particulièrement troublant, c’est de constater que 85% des femmes incarcérées sont des mères ayant des enfants à charge » a indiqué Andrea James, représentante du Conseil.

La double stigmatisation, un obstacle majeur

La double stigmatisation à laquelle ces femmes doivent faire face – en tant que femmes et en tant qu’utilisatrices de drogues – représente souvent un obstacle à leur recherche d’aide, à cause de leur peur des répercussions éventuelles, au plan social ou judiciaire. De même, la stigmatisation empêche souvent les femmes de mener à terme un programme de traitement, car ces derniers sont rarement adaptés à leurs antécédents et à leurs besoins spécifiques. Comme le souligne Gisela Hansen, coordinatrice thérapeutique des programmes de traitement de Dianova, il est urgent de concevoir des programmes sexospécifiques tout en « considérant les femmes comme les expertes de leur propre vie et de leurs propres cheminement de soin, quels que soient les types de traitement ».

Une violence tolérée, voire approuvée

La stigmatisation, les inégalités entre les sexes et la criminalisation des infractions liées aux drogues forment un ensemble où la violence est non seulement courante, mais aussi tolérée et approuvée. Ruth Birgin, représentante du WHRIN, a souligné que les femmes qui consomment des drogues connaissent des taux plus élevés de violence de la part de leur partenaire intime, mais ne disposent pas des recours juridiques indispensables en raison de la criminalisation des infractions liées aux drogues. Sous l’égide de WHRIN, plusieurs campagnes de rue ont été organisées pour sensibiliser et donner la parole aux femmes qui consomment des drogues, qui, selon Ruth, « sont généralement exclues des mouvements féminins et féministes ».

Violence systémique

Les femmes trans sont souvent victimes de violences, de traumatismes et de discriminations systémiques dans leur parcours au sein du système de justice pénale – Photo by Ras Jayamaha on Unsplash

Au Mexique, l’horrible expérience des femmes transgenres incarcérées

Les femmes qui sont incarcérées font face à nombre d’obstacles lorsqu’elles veulent avoir accès aux programmes et aux services adaptés à leurs besoins propres. A leur sortie de prison, il y a un manque crucial de services de réinsertion ou de soutien institutionnel et leur casier judiciaire continue peser très lourd.

 

Selon sa fondatrice, Kenya Cuevas, la Casa de las Muñecas Tiresias représente un espace où les femmes transgenres mexicaines et migrantes reçoivent des outils de vie et une éducation en vue de leur réinsertion sociale. Kenya souligne que l’ambition de La Casa : « Est de mettre un terme à la criminalisation des femmes transgenres, de sensibiliser les prisons et, surtout, de donner de l’espoir aux compañeras qui se trouvent encore en prison ».

Déclaration écrite de Dianova

En plus d’avoir co-organisé deux événements parallèles à la CSW65, Dianova a contribué à la session par une déclaration écrite pour plaider en faveur de l’intégration de la dimension de genre dans les politiques relatives aux drogues et à l’alcool et dans les programmes de traitement des dépendances, afin de répondre de manière efficace et complète aux besoins spécifiques des femmes qui consomment des drogues, y compris celles qui subissent des violences sexistes. Ce que nous souhaitons, c’est que dans un avenir proche, les services de réduction des risques et de traitement sensibles au genre soient la norme plutôt que l’exception.