Chaque année, 246 millions d’enfants sont victimes de violences à l’école ou autour de l’école et les filles en sont les premières victimes

Investir dans l’éducation des filles est l’une des approches les plus inclusives du développement humain – Photo: Oxfam East Africa via Flickr – licence: CC BY 2.0
Par Pierre Bremond – Il est prouvé que l’éducation des femmes et des filles a un impact positif sur le développement économique, social, culturel et de santé publique, en particulier dans les pays en développement. Éduquées, les femmes sont mieux outillées pour participer aux décisions familiales et à la vie de la communauté, mieux préparées à protéger leur santé et celle de leurs proches.
L’éducation des filles a aussi un effet démultiplicateur. Éduquer une fille, c’est l’amener plus tard à accorder davantage d’importance à l’éducation de ses propres enfants. L’éducation des filles bénéficie à toute la société. A la personne elle-même, à sa famille et aux générations à venir, à la communauté dont elle fait partie, et jusqu’au pays tout entier qui en tire les dividendes en termes d’augmentation de points de croissance et de réduction de la mortalité enfantine et de l’extrême pauvreté.
En deux mots, l’éducation des filles est essentielle au développement de leurs capacités et de leurs aspirations et la condition sine qua non de leur autonomisation. C’est pourquoi on estime qu’investir dans l’éducation des filles est l’une des approches les plus inclusives du développement humain.
Pourtant il existe encore de nombreuses barrières à l’éducation des filles, telles que les coûts éducatifs, les normes culturelles et les rôles genrés (par exemple, celui qui est typiquement dévolu aux filles d’aider à la cuisine et aux tâches ménagères), les mariages et les maternités précoces – responsables de 15 à 30% des décrochages des étudiantes du secondaire – à ou encore les violences qu’elles subissent à l’école.
Violence de genre à l’école
Grâce aux efforts des Nations Unies, notamment au travers du programme Éducation pour tous, jamais autant de filles ne se sont inscrites à l’école que durant la dernière décennie. À l’heure actuelle, tandis que la communauté internationale renouvelle son engagement avec le programme Éducation 2030, de plus en plus de filles s’y inscriront dans les prochaines années. Pourtant, il ne suffit pas qu’elles y entrent, encore faut-il qu’elles y restent ! L’un des plus grands défis auxquels les écolières doivent faire face est la violence qu’elles subissent à l’école.
Plan International définit la violence de genre en milieu scolaire comme ‘tout acte de violence sexuelle, physique ou psychologique commis sur des enfants à l’école ou autour de l’école, à cause des stéréotypes et des rôles, ou normes, qu’on leur attribue ou qu’on attend d’eux en raison de leur sexe ou de leur identité de genre’. Ce type de violence concerne des centaines de millions d’enfants. C’est un phénomène qui concerne tous les pays du monde, quelles que soient leurs différences sociales, culturelles ou économiques.
Le problème et son ampleur
Les violences de genre en milieu scolaire représentent une atteinte grave aux droits des enfants, dont le droit fondamental à être protégé de toutes les formes de violence, y compris à l’école. Ces violences peuvent avoir des conséquences dramatiques sur leur santé physique (troubles alimentaires, abus de substances, blessures, grossesses non désirées, infections transmises sexuellement, etc.) ; sur leur santé mentale (anxiété, dépression, automutilation, stress post-traumatique, etc.) ; et sur leur devenir scolaire (chute des notes, incapacité à se concentrer, abandon scolaire).
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La campagne, en détails
Il s’agit malheureusement d’un problème quasi universel dont les filles sont les premières victimes. Selon Plan International, des écolières de tous âges ont, à de multiples reprises, subi à l’école des harcèlements ou des agressions sexuelles, des discriminations fondées sur leur sexe, des intimidations physiques et psychologiques, voire des viols. Beaucoup rapportent avoir été publiquement humiliées par les responsables de l’école simplement parce qu’elles sont des filles.
Les adolescentes rapportent que certaines écoles ne disposent pas de toilettes adaptées à leurs besoins, raison pour laquelle beaucoup préfèrent interrompre leur scolarité durant leur cycle menstruel. Toutes ces violences se déroulent principalement dans les pays où l’éducation des filles est souvent vue d’un très mauvais œil et les agresseurs peuvent aussi bien être des camarades de classe, que des professeurs et d’autres figures d’autorité. De plus, ces violences ne s’arrêtent pas aux portes de l’établissement, elles ont lieu aussi sur le chemin de l’école ou lors des activités périscolaires.

L’étude ‘Hear Our Voices’ réalisée par Plan International rapporte que sur 7.000 jeunes gens interrogés sur leur perception de l’égalité, beaucoup indiquent craindre pour leur sécurité au sein de l’école et en dehors, tandis que plus d’un quart des filles affirment se sentir ‘rarement’, voire ‘jamais’ en sécurité sur le chemin de l’école. Parmi les 246 millions d’enfants qui sont chaque année harcelés ou victimes d’autres types de violences à l’école ou autour de celle-ci, ce sont les filles qui sont de loin les plus vulnérables.
Ces violences demeurent malheureusement mal comprises, peu rapportées et rarement combattues. Le manque d’études disponibles est en partie lié aux différences socioculturelles ainsi qu’à une classification des violences qui prend insuffisamment en compte la dimension de genre. Par exemple, on estime généralement que le ‘bullying’ (harcèlement) est neutre parce qu’il concerne les garçons comme les filles. Pourtant beaucoup d’exemples de bullying s’inscrivent dans les violences de genre et trouvent leurs racines dans le contexte social et institutionnel, plutôt que dans des déviances ou des pathologies individuelles.
C’est pourquoi on ne connaît pas encore l’ampleur réelle du problème des violences de genre en milieu scolaire, pourtant les informations et le nombre d’incidents rapportés jusqu’à présent indiquent qu’il est urgent d’agir. Selon le rapport de l’UNICEF ‘Hidden in Plain Sight’ (cachée sous nos yeux) plusieurs formes d’abus sont très répandues en milieu scolaire, comme le harcèlement ou ‘bullying’ qui concerne un élève de 13 à 15 ans sur trois, le harcèlement sexuel ; les punitions corporelles ; le cyber-harcèlement ; ainsi que les différents types de harcèlement homophobe.

L’école, lieu de prévention de la violence
L’éducation représente une part essentielle du développement social, émotionnel et psychologique des jeunes. À ce titre, l’école elle-même est l’institution qui possède le plus gros potentiel pour amener les individus sur la voie de l’autonomie, promouvoir l’égalité de genre et prévenir les violences à l’égard des femmes et des filles. Mais encore faut-il disposer des bons contenus éducatifs et les enseigner de façon adéquate. On peut par exemple citer l’éducation sexuelle complète, dont la méthode d’enseignement inclusive, non stigmatisante et favorisant l’égalité des sexes et les droits fondamentaux semble jouer un rôle clé contre la violence sexuelle et fondée sur le genre, selon le rapport ‘We Want to Learn About Good Love’ publié par Plan International UK et souligné par l’UNESCO.
Ces contenus doivent être les vecteurs du changement des comportements individuels et des normes sociales autour de la violence et de l’égalité des genres. Leur point commun doit être d’encourager les élèves à remettre en question et à surmonter les violences et les discriminations de genre. Les jeunes doivent de cette façon pouvoir identifier ce qui constitue la maltraitance, le harcèlement ou la violence afin de s’en protéger et d’en protéger les autres. Enfin, les jeunes doivent avoir la possibilité d’acquérir une meilleure compréhension des diversités sexuelles et de genre afin de mieux les accepter.
Pour aller plus loin
- « Lutte contre la violence de genre en milieu scolaire – orientations mondiales » version française, version anglaise , un rapport de l’UNESCO et ONU Femmes
- « School-related Gender-based Violence », document de recherche préparé pour l’UNESCO par Fiona Leach, Máiréad Dunne et Francesca Salvi – version anglaise
- We Want to Learn about Good Love » – étude qualitative évaluant les liens entre l’éducation sexuelle complète et la violence à l’égard des femmes et des filles – version anglaise