Dianova a interviewé Barbara L. Ponieman, médecin psychiatre à New York, sur l’importance de la santé mentale
Avant de réaliser l’interview, Dianova a demandé à ses followers sur les réseaux sociaux d’identifier leurs domaines d’intérêt en matière de santé mentale. Ils ont notamment mentionné l’anxiété, les crises de panique, l’abus de temps d’écran, la phobie sociale et l’usage de substances. Barbara a répondu à ces préoccupations via une série de vidéos retranscrites ci-dessous
María Victoria : Depuis le début de la pandémie de Covid-19, la santé mentale a pris de l’importance et elle est même devenue une priorité par l’Organisation mondiale de la santé et diverses institutions aux plans international et national. Qu’est-ce que la santé mentale et pourquoi est-elle si importante?
Barbara : Bonne question, car ce qu’il faut souligner avant tout, c’est que la santé mentale est une question très personnelle. Je pourrais te donner toute une série de définitions, toutes aussi vraies les unes que les autres. La santé mentale est importante car elle vient moduler nos expériences.
Si l’on offre la santé mentale à celles et ceux qui nous entourent, leur expérience de vie peut en être améliorée, et par extension, la nôtre. Investir dans un travail de santé mentale, c’est primordial pour les personnes et pour les communautés et c’est essentiel dans une période de crise comme nous vivons aujourd’hui.
MV : Au vu de l’importance de la santé mentale, pourquoi personne n’en parlait-il avant la pandémie ? On aurait dit que le bien-être était seulement lié à la santé physique. Pour quelle raison?
B : Malgré tout, beaucoup s’occupaient déjà des thèmes de santé mentale avant la pandémie. Je me réjouis du débat d’aujourd’hui, car les expériences auxquelles nous sommes actuellement confrontés nous poussent à réfléchir. Je pense même que l’expérience unique que nous vivons en fait un thème fondamental. A l’heure actuelle, chacun fait face à la même situation, alors que par le passé, des personnes différentes étaient confrontées à des défis différents.
Aujourd’hui, le bien-être de chacun a été d’une manière ou d’une autre soumis à rude épreuve. Le traitement de la santé mentale est l’une des nombreuses dimensions du bien-être. L’impact qu’il peut avoir sur d’autres domaines de la vie peut être durable, aux plans de la santé physique, sociale, émotionnelle, spirituelle et professionnelle.
Santé mentale et addictions
Attaques de panique
Phobie sociale et addiction aux écrans
Anxiété
MV : Et que penses-tu des conséquences de cette pandémie ?
B : La pandémie a eu un impact énorme sur nos habitudes et notre vie en général. On peut dire qu’il s’agit d’un événement traumatique et, comme pour toute autre forme de traumatisme, nous devons aborder son impact au plan individuel et à celui du groupe.
MV : De nombreux médecins parle des « trois S » : Shame (honte), silence et stigmatisation, pour les patients qui ont eu le COVID : « Je me sens triste et j’ai peur de le dire aux autres ». Penses-tu que les trois S s’appliquent à la santé mentale ?
B : La situation évolue rapidement. Il y a un changement dans la façon dont nous communiquons les uns avec les autres. Chaque expérience partagée doit être accueillie dans le groupe auquel nous appartenons.
MV : les gens qui nous suivent sur les réseaux sociaux aimeraient en savoir plus sur l’anxiété, les attaques de panique, le temps passé devant l’écran, la phobie sociale et les addictions. Qu’est-ce que tu peux leur dire ?
B : L’anxiété est très inconfortable, mais il est important de savoir que c’est une réaction normale et attendue face au danger. La question est de savoir pourquoi nous nous sentons en danger à ce moment-là. Il est très important que votre médecin élimine toute cause physique de l’anxiété.
Les attaques de panique et les troubles panique peuvent être une forme d’anxiété plus débilitante. Trouver quelqu’un qui peut vous aider est la première étape de l’apprentissage de stratégies pour gérer et maîtriser ces symptômes. Il vaut mieux ne pas faire ce travail tout seul.
La phobie sociale peut faire obstacle à de nombreux aspects de la vie d’une personne mais, aujourd’hui, avec les réunions virtuelles et la télépsychiatrie, on a de très bons outils pour commencer à traiter ces symptômes.
En ce qui concerne la dépendance aux écrans, je pense qu’il est important de savoir que nous pouvons utiliser un peu de ce temps d’écran pour parler avec un professionnel. C’est un tout petit changement qui peut avoir un impact énorme sur le comportement.
J’insiste sur le fait que tous ces symptômes sont une invitation à envisager un travail sur la santé mentale, et c’est un travail qu’il vaut mieux faire avec un professionnel.
MV : En ce qui concerne le traitement des troubles liés aux substances, la Drug Enforcement Administration (DEA) autorise la livraison à domicile de méthadone aux personnes qui sont confinées chez elles. Que penses-tu de cette initiative ?
B : Cette initiative montre comment une équipe de professionnels pense d’abord à l’expérience de la personne. C’est un changement bienveillant dans le système de santé pour servir ceux qui en ont le plus besoin.
Les addictions sont une pièce du puzzle que représente la vie d’une personne. Nous devons comprendre le rôle que joue cette pièce. Lorsqu’on travaille sur les dépendances, la motivation est très importante. Une personne motivée a des possibilités infinies. Et il ne faut pas oublier que le travail réalisé au plan de sa santé mentale, on l’emporte avec soi partout où l’on va.
MV : Le Covid-19 a eu des répercussions sur tout le monde, mais les gens ont aussi eu à subir des catastrophes naturelles, le changement climatique, les migrations et les déplacements, l’instabilité politique, entre autres événements qui ont également un impact sur la santé mentale. Quelle est ton expérience à ce niveau ?
B : New York est une ville qui accueille constamment des migrants venus du monde entier. Les populations migrantes sont très résilientes et motivées. Elles comprennent que le lien humain est la clé du bien-être. Elles peuvent bénéficier d’une éducation et d’un soutien en matière de santé mentale afin de réduire l’impact de leurs expériences, parfois très traumatisantes.
Plus tôt elles ont accès aux services de santé mentale, plus tôt elles peuvent en bénéficier.
MV : Comment la violence de genre et la violence entre partenaires intimes affectent-elles la santé mentale?
B : C’est un excellent exemple de la manière dont les interventions en matière de santé mentale doivent parfois s’accompagner d’autres interventions, aux plans du droit à la santé, des services sociaux et de soutien par les pairs. Travailler sur la santé mentale des victimes peut les aider à cheminer vers un environnement plus sûr.
MV : La télémédecine et la télésanté se sont répandues et certains professionnels recommandent d’augmenter les investissements afin que davantage d’interventions en santé mentale puissent être réalisées à distance. Quelle est ton expérience professionnelle à ce propos ?
B : La télémédecine a permis d’accroître la disponibilité des services pour ceux qui en ont besoin. D’un autre côté, les interventions en face à face seront toujours nécessaires. Nous avons besoin d’un système hybride qui permette d’ajuster le traitement en fonction des besoins des personnes.
MV : Quel rôle joue la famille dans le maintien d’une bonne santé mentale à la maison ?
B : Le groupe familial joue sans nul doute un rôle très important pour maintenir une attitude ouverte à l’égard du travail de santé mentale.
MV :Les médecins s’occupent de la santé mentale de leurs patients mais… qui s’occupe de leur propre santé mentale et de celle des autres professionnel·les de santé ?
B : Nous avons créé un service visant le bien-être du personnel dans notre hôpital de New York. Il a été bien accueilli et nous constatons une forte utilisation de ce service. Chaque institution doit fournir un accès et des outils de santé mentale à son personnel. Il faut également protéger ceux qui sont susceptibles d’avoir des problèmes. Les recherches montrent clairement à quel point un environnement de travail toxique affecte le moral de l’équipe.
MV : Quelles sont les activités ou la routine que vous recommandez pour conserver une bonne santé mentale?
B : Avoir une routine est déjà très important en soi. Écrire et consigner dans un journal ce que l’on pense est un excellent outil que l’on peut ensuite partager avec un professionnel.
Ce que vous ressentez peut être la porte d’entrée d’un travail sur la santé mentale et ce que vous pensez peut être la porte d’entrée de la croissance et du développement dans les autres domaines de la vie.
MV : Quels conseils peux-tu donner à nos followers ?
B : Envisagez d’avoir une conversation avec un professionnel de la santé mentale. Il n’y a pas de contre-indication. Vous deviendrez ensuite une sorte d’ambassadeur pour toutes celles et ceux que vous croiserez plus tard.