Egalité de genre: l’action de Dianova

Un entretien avec Montse Rafel, Directrice générale de Dianova International

Montse Rafel Quels sont les principaux objectifs de Dianova?

Dianova est une ONG internationale composée d’associations et de fondations présentes sur quatre continents (Amériques, Asie, Afrique et Europe). Les membres ordinaires du Réseau Dianova partagent une mission commune dont l’objet est de mettre en œuvre diverses initiatives et programmes visant à promouvoir l’autonomie personnelle et le progrès social. De façon plus spécifique, les membres de Dianova interviennent dans les domaines de la santé et de l’action sociale et humanitaire. La raison d’être de Dianova est fondée sur la conviction que chaque personne est, si elle a le soutien approprié, en mesure de trouver en elle les ressources nécessaires pour un développement personnel et une intégration sociale réussis.

Comment intervenez-vous en matière d’égalité hommes/femmes ?

L’égalité entre les sexes est au premier rang des politiques de Dianova. Nous sommes très attachés à promouvoir l’autonomisation des femmes, à lutter activement contre les discrimination et à promouvoir l’accès à l’éducation, en particulier dans les régions rurales, afin que les femmes et les filles deviennent les moteurs de changements culturels et de développement communautaire. À cet égard, notre objectif est d’intégrer la perspective de genre dans toutes nos actions. Nous estimons que pour surmonter l’inégalité entre les sexes et la discrimination, nous devons changer de paradigme et passer d’un modèle qui répond aux seuls besoins pratiques des femmes, à un autre modèle qui intègre la perspective de genre au plan global, et ce dans chacun de nos programmes et à tous les niveaux.

campaign against gender-based violence

A titre d’exemple, lors de la conception d’un projet, nous nous attachons à tenir compte de ses multiples implications pour les différents groupes concernés, en fonction de leur sexe, de leur appartenance ethnique, de leur situation sociale et de tout autre facteur susceptible de limiter leur capacité à bénéficier du projet. L’étape suivante consiste à déterminer quelles sont les mesures qu’il faut intégrer au projet, dans le but de garantir une participation égale des hommes et des femmes, de répondre aux besoins spécifiques de chaque groupe, d’éliminer les obstacles à l’autonomisation des femmes et de contribuer globalement à l’égalité des sexes au sein de la communauté et du groupe concerné. Mieux nous parviendrons à résoudre ces problèmes, mieux nous pourrons combattre les normes traditionnelles en matière de genre et parvenir à l’égalité entre les sexes, dans tous les domaines.

Chez Dianova, nous nous engageons à appliquer cet exercice tant au plan de nos politiques internes que dans nos programmes externes. Au plan organisationnel, les organisations membres du réseau Dianova ont par exemple atteint une parité totale entre les sexes dans leur politique de gestion des ressources humaines et, au niveau des programmes, des approches sexospécifiques ont été développées dans les programmes: au Chili, par exemple, un programme de traitement résidentiel cible spécifiquement les besoins des femmes en situation de vulnérabilité sociale et en difficulté avec l’abus de substances (alcool et autres drogues). Ce programme aide les femmes à se mettre en relation avec les diverses agences d’intégration sociale et leur apporte un soutien dans leurs efforts pour améliorer leurs conditions de vie et reprendre le contrôle de leur vie.

Les femmes réfugiées sont-elles plus vulnérables que les hommes?

Les conflits, les persécutions et l’instabilité politique mettent en danger la vie de millions de femmes, d’hommes et d’enfants, ce qui engendre un flux important de personnes déplacées à travers le monde. L’incapacité générale des gouvernements à s’entendre sur des mesures coordonnées visant à protéger et à aider ces réfugiés en quête de sécurité rend tout le monde plus vulnérable encore. Dans ce contexte, certains groupes de personnes éprouvent des difficultés particulières liées à leur sexe, à leur religion, à leur origine ethnique, à leur niveau d’éducation, etc. Les hommes sont souvent visés par le système de justice pénale dans les pays de destination; les groupes musulmans sont confrontés à des actes de xénophobie; et les enfants sont parfois privés d’éducation, de services publics et, en fin de compte, de leur propre enfance.

International women's dayNous croyons fermement que les femmes réfugiées sont beaucoup plus vulnérables que leurs homologues masculins en raison de leurs vulnérabilités préexistantes. Dans de nombreux cas, ces vulnérabilités atteignent des proportions épouvantables chez les femmes qui vivent en zones de conflit, ce qui les oblige à fuir leurs foyers. La violence, la traite des êtres humains, l’exploitation sexuelle et les agressions, les abus, la discrimination et la négligence s’ajoutent alors aux trop nombreuses difficultés que vivent déjà toutes les personnes  déplacées, et même celles qui se trouvent dans des centres temporaires d’hébergement, des camps de réfugiés ou autres centres d’accueil dans leur pays ou à l’étranger.

À cet égard, la dernière étude du HCR sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans les opérations (UNHCR Review of Gender Equality in Operations, 2016) a montré que malgré les efforts actuellement déployés pour cibler les femmes et les filles dans ces contextes, il est indispensable de continuer à investir en faveur de leur protection et de leur autonomisation.

De fait, les ressources dans les centre d’hébergement et les camps de réfugiés sont souvent limitées. Dans ces circonstances, les droits ont été classés par ordre de priorité, parfois de façon indue, sans que les besoins des femmes aient été pris en compte, ni que leurs voix aient été entendues dans le processus de décision. C’est dans ce cadre que Dianova soutient que les efforts visant à parvenir à l’égalité entre les sexes, à promouvoir l’autonomisation des femmes et à protéger leurs droits, leur sécurité et leur liberté ne doivent pas être oubliés, être mis en péril, ou être éclipsés par l’ensemble des besoins de tous les réfugiés. D’où l’importance d’intégrer la perspective de genre dans toutes les politiques et tous les programmes concernant les réfugiés et les migrants.

Le manque de réceptivité face aux besoins spécifiques des femmes réfugiées engendre davantage de vulnérabilités pour ces femmes: par exemple, l’accès aux services de santé spécifiques aux femmes est limité ou inexistant; les femmes qui ont subi des violences sexuelles ou toute autre forme de violences sexistes disposent de peu de moyens d’accompagnement tandis qu’elles doivent continuer à vivre près des auteurs de ces violences, à la merci de nouveaux abus ; beaucoup de femmes sont recrutées en violation des dispositions légales en vigueur, ce qui les rend vulnérables à diverses formes d’exploitation ; dans les camps de réfugiés, les obstacles à l’accès des filles à l’éducation peuvent également être aggravés; etc.

De même, le non-respect de la perspective de genre dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes et des politiques pour les réfugiés contribue à perpétuer les relations, les normes et les rôles traditionnels en matière de genre. Ce mépris flagrant de la perspective de genre contribue donc à maintenir les barrières qui empêchent les femmes et les filles réfugiées de prospérer, que ce soit dans les centres où elles sont placées en tant que réfugiés ou après. C’est pour ces raisons qu’à l’occasion de la 61e Session de la Commission de la condition de la femme de l’ONU, Dianova lancera un appel aux Etats membres afin de faire en sorte que les programmes et les politiques discutées aux Nations Unies et lors d’autres forums internationaux répondent aux besoins spécifiques des migrantes et des réfugiées.

Pourquoi faut-il envisager l’abus des drogues dans une perspective sexospécifique?

Les femmes doivent, de façon spécifique, faire face à de nombreux obstacles au traitement. Selon le Rapport mondial sur les drogues 2015, si 1 usager sur 3 est une femme, seul 1 usager en traitement sur 5 est une femme.

Prendre en charge une problématique d’addiction à partir d’une perspective de genre permet aux cliniciens d’aborder les questions liées à la socialisation de genre. Pour les thérapeutes, il s’agit d’identifier les problèmes spécifiques des femmes ainsi que les conséquences de la socialisation en tant que femmes, soit autant d’éléments qui ont une influence importante sur l’historique de consommation (motivation, processus de rechute, modèles d’utilisation des substances, etc.)

L’un des principaux obstacles à l’accès des femmes à un programme de traitement donné est l’absence de services appropriés (par exemple, difficulté d’accéder à des services de garde d’enfants ou à des horaires plus souples). Pour répondre à ces besoins, les programmes de Dianova ont la possibilité d’intégrer les enfants au processus d’intervention. Cela implique non seulement de disposer des espaces physiques destinés aux enfants (garderie), mais aussi d’un personnel spécialisé dans la prise en charge de ces derniers. Les programmes comprennent également des ateliers de développement dédiés à améliorer l’adhésion au traitement et à fournir des outils permettant de développer des relations plus saines. Ces stratégies permettent d’éviter les situations d’abus ou de négligence des enfants, ainsi que leurs conséquences.

Les programmes disposent également d’horaires flexibles et d’un accès plus facile au traitement du fait que les thérapeutes sont disposés à se rendre au domicile des usagers. Ceci est particulièrement important pour les mères ayant des enfants en bas âge et qui ne peuvent donc pas toujours quitter leur domicile. La souplesse horaire répond en outre aux besoins des usagers qui travaillent et ne peuvent pas se rendre dans un centre de soins durant les heures habituelles de travail. En conséquence, la compliance au traitement de ces usagers s’est très nettement améliorée.

Au Chili Dianova offre un programme de traitement résidentiel à long terme pour les femmes avec ou sans enfants à charge, enceintes ou non. Dianova dispose de trois centres d’accueil pour une capacité totale de 47 personnes. Chacun d’entre eux peut accueillir les enfants des usagères et s’engage à favoriser le lien parental et l’attachement.  Les femmes y reçoivent non seulement un traitement pour leur problème d’addiction, mais aussi des sessions de formation et de sensibilisation aux questions liées aux genre (notamment sur les violences de genre, les droits des femmes et des enfants, etc.) et peuvent ainsi aider d’autres femmes dans leurs environnements respectifs.

Comment défendez-vous les droits des femmes au plan international?

Dianova dispose d’une présence forte et en croissance au sein des plates-formes internationales de la société civile et des organisations transnationales. De plus, nous participons à un certain nombre de commissions techniques thématiques au plan national et international. Dianova met en œuvre des actions de plaidoyer, soit individuellement soit au travers de réseaux d’ONG, en faveur du développement personnel, social et communautaire, au sein d’organisations internationales telles que les Nations Unies et l’Organisation des États Américains.

À New York, Dianova est devenue un membre actif du Comité des ONG sur la condition de la femme et s’associe tout au long de l’année aux efforts de la société civile visant à promouvoir les droits des femmes et l’égalité des sexes aux Nations Unies. De même, depuis 2013, les représentants de Dianova ont participé aux sessions annuelles de la Commission de la condition de la femme à New York, par le biais de déclarations adressées aux États membres, l’organisation d’événements parallèles en partenariat avec d’autres ONG, ou une participation aux préparatifs des forums de la société civile qui cette année auront lieu durant les sessions de deux semaines en mars prochain.

Dianova plaide en faveur des droits des femmes et de l’égalité des sexes dans toutes les plateformes internationales auxquelles ses représentants participent, en encourageant la prise en compte de la dimension de genre dans les débats thématiques liés aux migrations, à l’éducation, aux addictions et à la santé mentale. Dianova construit et renforce ses relations avec les ONG et les organisations internationales afin de promouvoir les campagnes internationales, publier des déclarations conjointes et améliorer sa capacité à influencer les décisions politiques visant à assurer une société plus juste et plus équitable pour tous.


Article initialement publié en anglais sur le site Promosaik