Drogues et politiques des drogues dans les Amériques

A l’occasion de la 70ème assemblée de la CICAD, Dianova dresse un bilan positif de ses partenariats et appelle à une réforme de la politique des drogues

politiques des drogues dans les Amériques

Après des décennies où un régime prohibitionniste a régné en maître dans l’hémisphère américain tout en restant largement imperméable aux critiques malgré ses conséquences désastreuses, il est maintenant temps de proposer des alternatives – image adaptée de Shutterstock

Par María Victoria Espada – La Commission interaméricaine de lutte contre l’abus des drogues (CICAD), organe consultatif sur les questions de drogues de l’Organisation des États américains (OEA), a tenu sa soixante-dixième session ordinaire du 16 au 19 novembre, en format virtuel. L’ordre du jour comprenait des sessions et panels abordant différents aspects du problème des drogues dans les Amériques, la présentation du plan de travail 2022 du Secrétariat exécutif de la CICAD, et des interventions d’organisations de la société civile.

Évolution des modèles de trafic de drogue

Selon le « Rapport sur l’offre de drogues dans les Amériques » présenté lors de la réunion, « il n’existe pas une substance qui définisse à elle seule l’offre de drogues dans les Amériques, (…) ce qui reflète la variété de l’offre de drogues illicites dans la région ». Si le cannabis et la cocaïne sont présents dans tous les pays du continent, l’héroïne, le fentanyl et la méthamphétamine restent concentrées en Amérique du Nord, même s’il est possible qu’elles prolifèrent dans d’autres pays. Plusieurs indicateurs indiquent que les modèles de trafic évoluent dans la région, et la CICAD recommande aux États membres de « développer des systèmes d’alerte précoce pour répondre aux drogues synthétiques, aux nouvelles substances psychoactives et aux autres drogues émergentes ».

Faciliter l’accès aux services de traitement

La consommation de substances psychoactives est associée à des situations sanitaires et sociales qui ont un impact disproportionné sur les plus vulnérables. En outre, « les personnes souffrant de troubles liés à la consommation de substances psychoactives souffrent d’un manque d’accès aux traitements », comme l’a souligné le représentant de l’Organisation panaméricaine de la santé, qui a conseillé aux pays concernés d’élaborer « des politiques en matière de drogues équilibrées, globales, inclusives, adéquatement financées et fondées sur les droits humains ». Dans le même temps, les services de traitement devraient être intégrés aux soins primaires dans le but d’en faciliter l’accès, sans pour autant en négliger la qualité.

70ème session de la CICAD

Expérience des programmes de prévention virtuels

La mise en commun des bonnes pratiques de prévention durant la pandémie a mis en évidence la nécessité d’ancrer les programmes dans l’environnement communautaire des bénéficiaires, de coordonner les systèmes de prévention locaux et nationaux et de former des partenariats interagences.

L’expérience des programmes de prévention virtuels en combinaison avec d’autres activités en ‘présenciel’ a également été identifiée comme un succès. De même, les perspectives sexospécifiques et multiculturelles, les approches fondées sur les droits humains et la santé publique, ainsi que la participation des jeunes ont été identifiées comme des éléments essentiels à prendre en compte dans la conception des programmes de prévention.

Développer des partenariats public-privé pour faciliter la réinsertion

Plusieurs organisations de la société civile ont présenté des initiatives de partenariats public-privé visant l’insertion des personnes aux prises avec une dépendance. Ces initiatives s’appuient sur la formation et le renforcement des habiletés de vie pour développer l’autonomie et la responsabilisation des bénéficiaires et ainsi faciliter une réinsertion sociale et professionnelle fondée sur la création de réseaux de soutien et le sentiment d’appartenance à la communauté.

L’expérience de la fondation Dianova Uruguay

Dans la même veine, Dianova International a fait une intervention orale pour présenter deux exemples intéressants de partenariats public-privé entre la fondation Dianova Uruguay et le Conseil National des Drogues, le Secrétariat National des Drogues et le Réseau National des Drogues (RENADRO) de l’Uruguay. Le premier, le centre de traitement de la double pathologie « Chanaes », est destiné aux hommes présentant une consommation problématique de substances psychoactives associée à des troubles mentaux graves et persistants. Le second, le programme « Aleros », est axé sur la promotion et la protection des droits des personnes ayant des problèmes liés à la consommation de substances psychoactives et vivant dans les quartiers les plus défavorisés de la capitale de l’Uruguay.

Créer des synergies grâce aux partenariats public-privé

Dianova International a souligné la synergie de ces initiatives public-privé, qui permettent d’identifier les besoins réels et les demandes de la population et de les traduire ensuite en propositions et en projets concrets. « L’intervention des équipes de la fondation Dianova Uruguay permet de réduire la distance entre le bureau de l’administration publique et la population bénéficiaire. Du fait de la fluidité et de la souplesse des relations entre les équipes de Dianova Uruguay et l’administration publique cette expérience a été un succès. C’est pourquoi Dianova International a exhorté les pays américains à multiplier ce type de partenariat entre les organisations de la société civile et l’administration publique en créant des « environnements favorables » susceptibles de soutenir les organisations et de réduire leurs vulnérabilités.

Dianova soutient la déclaration de WOLA et plaide pour une réforme de la politique des drogues

Avec d’autres organisations de la société civile, Dianova International a également soutenu la déclaration orale présentée par le Washington Office on Latin America (WOLA). Cette déclaration engage notamment les pays du continent américain à réformer les politiques répressives en matière de drogues par la mise en œuvre d’alternatives à l’incarcération et à aborder les problèmes liés à la consommation de drogues et à la dépendance dans une perspective de santé publique. WOLA appelle également à garantir l’accès universel à la prévention, au traitement, à la réhabilitation, à la réduction des risques et aux services d’intégration sociale, en accordant une attention particulière à la perspective de genre dans tous les aspects de la politique en matière de drogues. Il est également essentiel que les services de soins soient conçus sur la base de principes scientifiques et éthiques qui garantissent le respect des droits humains à tous les niveaux. Enfin, les États membres de l’OEA sont invités à maintenir des espaces de dialogue au sein de la CICAD et à compter sur les organisations signataires en tant qu’ « interlocutrices critiques mais constructives vouées à la poursuite de ces objectifs communs ».