Comprendre la santé associée à l’usage de substances

Introduction au concept de « Santé associée à l’usage de substances » développé par CAPSA, membre de Dianova International, et interview de Gord Garner, vice-président des partenariats stratégiques de CAPSA

WOW festival

Le festival WOW (Working on Wellness) a lieu chaque année à Ottawa pour aider à réunir les communautés de la santé physique, de la santé mentale, et de la santé associée à l’usage de substances. Il apporte également un soutien à la campagne #JeMetsFinALaStigmatisation de CAPSA –  Photo: CAPSA

Le texte suivant a été adapté de la brochure de CAPSA intitulée « Comprendre la santé en matière d’usage de substances: une question d’équité » – voir la brochure en anglais ou en français

L’association communautaire d’entraide par les pairs en matière d’addictions, ou CAPSA (ACEPA en français) été créée à Ottawa (Canada) en 2013 dans le but rendre plus visibles les personnes concernées par l’usage de  substances psychoactives, d’en faire des acteurs à part entière de la communauté et de mettre en lumière les questions liées à l’usage de substances.

Au Canada, CAPSA est un leader national en matière de stigmatisation et sur ses conséquences pour celles et ceux qui utilisent des substances et/ou qui ont un trouble lié à l’utilisation de substances. L’organisation entend aussi identifier et corriger les situations de stigmatisation systémique encore ancrées au sein des organisations.

CAPSA collabore avec diverses organisations dans le but d’apporter une éducation à l’usage de substances, à la stigmatisation associée aux troubles de l’usage de substances, ainsi qu’à l’utilisation d’un langage axé sur la personne afin de réduire la stigmatisation et la discrimination. Dans ces objectifs, l’organisation travaille avec des expert·e·s ayant une expérience vécue de la question.

Dans le cadre de son engagement auprès des personnes qui utilisent des substances, l’organisation a développé le concept de Santé associée à l’usage de substances, lequel entend répondre aux besoins des personnes là où elles se trouvent, sans stigmatisation d’aucune sorte. Il permet aussi d’assurer un accès équitable aux programmes et aux services de santé, ainsi qu’aux informations fondées sur des données probantes en matière de consommation de substances et de troubles liés à l’usage de substances.

Voir l’interview de Gord Garner, vice-président des partenariats stratégiques de CAPSA, par les représentant·e·s de Dianova (en anglais)

La santé associée à l’usage de substances, qu’est-ce que c’est?

Pour beaucoup, la santé physique et la santé mentale sont envisagées comme un continuum ou un spectre constitué de supports multiples pour un bien être tout au long de la vie, sans maladie présumée. Malgré tout, la consommation de substances est trop souvent encore synonyme d’addiction ou de trouble lié à l’usage de substances (TUS). Un tel stéréotype ne fait que présenter l’usage de substances comme un trouble aigu en soi, ce qu’il n’est évidemment pas. En réalité, la santé associée à l’usage de substances s’inscrit aussi dans un continuum, tout comme la santé physique et mentale, voir le graphique ci-dessous.

Le continuum de la santé associée à l'usage de substances

Au Canada, 78% des personnes de 15 ans et plus ont rapporté avoir consommé de l’alcool, 22% des médicaments psychoactifs, 18% du tabac et 15% d’autres types de substances psychoactives[1]. En Europe, on estime que 19% des 15-24 ans ont fait usage de cannabis durant l’année écoulée[2], tandis que près de 60% de toutes les personnes de 15 ans et plus ont consommé de l’alcool[3] et 25% du tabac[4].

De tels chiffres nous montrent que la consommation de substances psychoactives est un phénomène courant, tout au moins dans les pays occidentaux, c’est pourquoi adopter un langage dénué de jugement et non stigmatisant doit devenir une priorité permettant de faire table rase des idées préconçues qui nous conduisent à associer l’usage de substances aux comportements délétères et autres troubles potentiellement associés.

Donner  aux personnes les moyens d’atteindre leurs propres objectifs de santé

Au Canada, ce virage en faveur de la santé associée à l’usage de substances s’est accompagné d’un regain d’intérêt pour les politiques, les programmes, les services et les soutiens fondés sur des données probantes et conçus pour donner aux personnes les moyens d’attendre leurs propres objectifs en matière de santé.

Les services de santé physique et mentale ont mis en œuvre, en matière de soins et de résultats, une approche de partenariat centrée sur la personne, mettant l’accent sur les soins intégrés et individualisés, la prise de décision partagée et une empathie thérapeutique sans aucun jugement. Dans le domaine des soins de santé associés à l’usage de substances, adopter un modèle similaire fondé notamment sur le soutien aux objectifs auto-identifiés, pourrait semble-t-il permettre d’éliminer les obstacles à l’accès aux soins de santé associée à l’usage de substances, de contribuer à améliorer les déterminants sociaux de la santé[5], et de faciliter la prestation de soins culturellement sûrs tenant compte des traumatismes et de la violence[6].

L’abstinence, un objectif comme un autre

CAPSA et ses partenaires estiment qu’il faut cesser de privilégier l’abstinence comme premier critère de réussite des soins de santé associés à l’usage de substances, pour mettre l’accent sur d’autres paramètres, notamment sur les propres objectifs de mieux-être des personnes concernées. Cette vision, qui comprend des parcours de rétablissement multiples, permettra d’éliminer les obstacles qui trop souvent empêchent les personnes aux prises avec des problèmes complexes – comme les TUS et autres troubles concomitants – de chercher librement de l’aide.

L’ambition de l’organisation CAPSA est d’alimenter un débat national sur ces thèmes, de promouvoir l’innovation en matière de soins et, enfin, d’établir un modèle de santé publique fonctionnant dans le cadre du continuum de la santé associée à l’usage de substances. Cette approche, déjà mise en œuvre par CAPSA avec le programme « All People All Pathways », tient compte de la multiplicité des parcours individuels et offre aux personnes un environnement sûr, dénué de toute stigmatisation.

A Dianova, nous pensons que le concept de santé associée à l’usage de substances développé par CAPSA devrait contribuer à faire évoluer la prise en charge sanitaire, mais aussi les perceptions. C’est la raison pour laquelle Dianova soutient toutes les approches qui contribuent à mettre un terme à la stigmatisation de l’usage de substances et s’associe au mouvement visant à lever les barrières et autres inégalités qui empêchent les personnes d’accéder aux soins dont elles ont besoin.


 

[1] Statistiques Canada 2021 – chiffres 2017, hors personnes vivant au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, ainsi que celles résidant à plein temps dans les institutions résidentielles

[2] European Drug Report 2022: Trends and Developments (EMCDDA)

[3] Global status report on alcohol and health 2018 – (WHO)

[4] Prevalence of tobacco use among adults in the WHO European region

[5] Community Catalyst et al., 2021

[6] Marchand et al., 2019