Caractéristiques sociodémographiques et habitudes de consommation des usagers de drogues en CT

La communauté thérapeutique de Quinta das Lapas (Dianova Portugal)

 

Une étude du Pr. Susana Henriques et du Dr. Pedro Candeias, publiée dans le Journal International des Communautés Thérapeutiques

Le but de l’étude menée par le Pr. Susana Henriques et le Dr Pedro Candeias (centre de recherche et d’étude en sociologie, Institut Universitaire de Lisbonne, Portugal) était de présenter et de discuter les caractéristiques générales d’environ 200 usagers de drogues ayant reçu un traitement dans une communauté thérapeutique (CT), l’une des solutions visant à aider les personnes addictes à surmonter leur addiction et à commencer un travail de réinsertion.

Il s’agit de la première phase d’une étude longitudinale qui vise à examiner les caractéristiques sociodémographiques et les modèles de consommation de patients traités dans la CT sur une période de temps prolongée. L’analyse se veut la première approche empirique de ce groupe en termes de caractéristiques socio-économiques et démographiques, de substances et de modes d’utilisation.

Quinta das LapasLes chercheurs ont choisi de mener leur étude dans un établissement disposant d’un programme thérapeutique offrant des garanties empiriques de contrôle sur les indicateurs de qualité.

La CT de Quintas das Lapas de Dianova Portugal a été choisie pour être la seule dans ce pays avec un programme de traitement certifié pour sa qualité (ISO 9001: 2000). Les données fournies par la base de données usagers de l’Association Dianova ont été analysées statiquement, en mettant particulièrement l’accent sur les personnes accueillies entre 1999 et 2009 et ayant reçu leur congé clinique à l’issue du processus thérapeutique (les congés dus aux transferts, abandons ou renvois ont été écartés).

Les auteurs signalent que leur analyse a porté sur un groupe spécifique d’usagers de drogues, à savoir ceux qui sont déterminés à cesser leur consommation. Ces derniers ne représentent en effet qu’une petite partie du groupe hétérogène des personnes addictes: comme l’ont montré des études précédentes, un tiers seulement des personnes addictes choisissent de suivre un programme de traitement et seul un petit nombre d’usagers de drogues souhaitant rompre avec leurs habitudes de consommation ont recours à une aide formelle. En outre, en plus des CT, les usagers de drogues en recherche d’aide peuvent faire appel à un large éventail d’options de traitement, incluant les centres de traitement de l’alcool et des autres drogues et les groupes d’entraide et de réhabilitation basés sur le programme des douze étapes.


 L objectif premier de l’étude était de déterminer les caractéristiques sociodémographiques et les modes de consommation de patients ayant suivi un traitement en communauté thérapeutique, l’intérêt de cet exercice résidant dans le fait que les personnes utilisant ce type de services au Portugal sont encore assez mal connues.


L’analyse des données sociodémographiques, des réseaux sociaux et autres ressources, des antécédents de traitement et de l’historique d’addiction des patients ayant reçu leur exeat depuis au moins un an, a permis de dessiner le portrait d’une population composée d’usagers compulsifs d’héroïne (74%), d’alcool (11% ) et d’autres substances en situation d’usages multiples, avec un faible niveau scolaire et de qualifications qui se reflète dans leur occupation (70 pour cent étaient au chômage), et ayant le soutien de leurs familles.

Les populations dépendantes des cannabinoïdes ou de produits de synthèse n’ont pas été identifiés comme telles, ce qui corrobore les études récentes qui ont souligné que celles-ci présentaient des caractéristiques socio-économiques différentes de celles trouvées dans cette étude. Les auteurs estiment que cela pourrait s’expliquer par l’absence de solutions ajustées à une population avec de nouvelles exigences résultant de changements dans leurs habitudes de consommation et dans le type de substances utilisées. Cela montre, pour les recherches futures, la nécessité de se concentrer sur la relation entre profils de consommation et disponibilité des traitements.

Selon les auteurs, bien que Quinta das Lapas ait, au même titre que d’autres CT, développé des techniques pour s’adresser aux usagers de drogues moins traditionnels, et qui ne recourent que rarement à ces types de programme, la CT semble avoir du mal à se distancier de sa population cible initiale.

Afin de renouveler son succès auprès d’autres segments de la population des personnes addictes en recherche de solutions de traitement, la CT pourrait devoir utiliser des stratégies de communication spécifiques ou bien mettre en œuvre des ressources ou des programmes distincts visant à répondre aux besoins des usagers de « nouvelles drogues », et, par conséquent, ne plus se limiter au profil des ‘usagers d’héroïne et d’alcool présentant de faibles qualifications’.

Sur la base de ce portrait initial, le objectif des chercheurs sera de mettre en lumière les moyens et les stratégies utilisées par cette population pour gérer leur réinsertion sociale et réussir à mener une vie sociale régulière après leur sortie. Et, les usagers de drogues étant souvent perçus comme un groupe déviant en raison de leur addiction, il sera intéressant, entre autres éléments, de découvrir la façon dont ils gèrent la stigmatisation sociale associée à leur état précédent, et comment ils construisent de nouveaux réseaux sociaux sans drogue.


  • « Caractéristiques sociodémographiques et habitudes de consommation d’usagers de drogues – synthèse des recherches sur des résultats dans une CT sur une période de 10 ans » in Therapeutic Communities: The International Journal of Therapeutic Communities, Vol. 36 Iss 2, pp. 50-61 (2015)
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