Un projet du Groupe Pompidou vise à identifier les politiques actuelles afin d’apporter aux enfants et aux personnes qui s’en occupent le soutien dont ils ont besoin
Par Corina Giacomello – Les enfants[1] qui vivent dans des familles présentant un usage nocif de drogues ou une dépendance peuvent être victimes de négligence, de violence, d’un mauvais soutien parental et être exposés aux substances. Souvent, ils doivent assumer des responsabilités parentales prématurément et, par conséquent, peuvent se sentir confus, rejetés, accablés et incapables de faire confiance aux parents.
Assumer les responsabilités parentales pendant l’enfance
Ces enfants ressentent souvent de la honte et, en même temps, ils se sentent responsables de « sauver » leurs parents, un sentiment qui peut se transformer en solitude et en repli sur soi afin d’éviter la stigmatisation et d’épargner à leurs parents les interventions des services sociaux et le risque d’être séparés de leur famille. Les parents qui utilisent des drogues peuvent bien sûr être confrontés à des difficultés dans leur rôle de parents, mais ils ne savent pas toujours comment, ou ne souhaitent pas, rechercher de l’aide. Le manque d’information, la peur d’être stigmatisés ou criminalisés, la solitude et les expériences négatives passées ou présentes avec les services peuvent entraver le processus d’engagement dans un parcours thérapeutique. Les femmes peuvent se heurter à des obstacles sociaux, structurels et culturels particulièrement élevés dans l’accès au traitement, surtout lorsqu’elles ont de jeunes enfants et qu’elles en sont les seules responsables.
Les enfants sont plus exposés aux problèmes sociaux et de santé
S’il est désormais admis que les enfants de personnes dépendantes, comparés à celles et ceux dont les parents ne consomment pas de substances psychoactives, courent un risque accru de connaître un ensemble de problèmes sanitaires, sociaux et psychologiques,[2] les décideurs politiques, les institutions publiques et les services œuvrant dans les domaines de l’aide sociale, de la protection de l’enfance et du traitement des dépendances ne sont pas toujours conscients des défis auxquels sont confrontés les enfants et leurs parents ou tuteurs.
Étudier les approches actuelles ciblant les enfants
Depuis novembre 2020, le Groupe Pompidou du Conseil de l’Europe[3] développe une recherche visant à étudier les approches juridiques et opérationnelles actuelles ciblant les enfants vivant dans des familles dont les membres présentent une dépendance aux substances, ainsi que les parents présents dans les services de traitement des dépendances, afin d’aborder ce thème en profondeur, de partager les pratiques existantes et de développer des propositions en termes de politiques.
Entre novembre 2020 et janvier 2021, le Groupe Pompidou a réalisé une évaluation préliminaire, basée sur les réponses de 16 pays du Groupe Pompidou à un questionnaire, une analyse documentaire (incluant les normes et standards internationaux) et des données quantitatives. Ce projet a été proposé en réponse à l’invitation du Conseil de l’Europe au Secrétariat du Groupe Pompidou à participer à la Task Force inter-secrétariat sur les droits de l’enfant afin de contribuer aux discussions sur les thèmes devant figurer dans la nouvelle stratégie du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant (2022-2027).
Participation d’organisations gouvernementales, d’ONG et d’autres acteurs
En février 2021 a commencé la deuxième phase du projet qui compte avec la participation de onze pays[4]. Les pays ont été engagés dans des focus groups nationaux et inter-états[5], ainsi que des entretiens collectifs et individuels semi-structurés[6] ont été menés avec des institutions et organisations gouvernementales et non-gouvernementales. Celles-ci comprenaient des institutions ou personnes œuvrant dans le domaine de l’aide sociale, de la protection de l’enfance, de l’action juridique, du traitement des dépendances – dont les services réservés aux femmes – mais aussi des refuges pour les femmes victimes de violence et qui consomment des drogues et des experts dans le domaine de la collecte de données.
Les conclusions et les recommandations de la recherche seront incluses dans un rapport qui sera présenté aux correspondants permanents du Groupe Pompidou à la fin du mois d’octobre. Ce sera également l’occasion pour le Groupe Pompidou de célébrer son 50e anniversaire et d’adopter un nouveau nom : Groupe de coopération internationale en matière de drogues et d’addictions du Conseil de l’Europe.
Problèmes et défis identifiés
Certains des défis identifiés au cours des premiers mois du projet sont les suivants : i) le manque de données intégrées et partagées permettant d’estimer à quel point les enfants sont affectés par la dépendance de leurs parents et donc d’élaborer des interventions ciblées; ii) le cloisonnement des services conduit souvent à des lacunes en matière d’intervention ; iii) les services de traitement des additions mettent généralement en œuvre une approche clinique, centrée sur les personnes, visant à traiter la dépendance sans tenir compte de leurs responsabilités parentales ; iv) la stigmatisation et le manque d’information relatif aux drogues et à la consommation de drogues jouent parfois un rôle dans la façon dont les services sociaux perçoivent les personnes qui consomment des drogues ainsi que leurs compétences parentales.
Pratiques inspirantes également identifiées
Malgré ces lacunes, des pratiques prometteuses et inspirantes ont été recensées dans les différents pays, telles que : i) des interventions spécifiquement destinées aux enfants dont les parents ou tuteurs consomment des drogues ; ii) des foyers pour femmes victimes de violences acceptant les femmes consommant des drogues ; iii) des services de traitement des dépendances, dont des communautés thérapeutiques, où les femmes peuvent être accompagnées de leurs enfants ; et iv) des interventions globales visant à renforcer la famille, tout en travaillant avec les enfants et les adultes, dans le but de préserver l’unité familiale et de surmonter leurs vulnérabilités.
La mosaïque d’interventions que le Groupe Pompidou est en train de rassembler grâce à la participation collaborative, généreuse et enthousiaste de multiples parties prenantes sera utile aux décideurs politiques et autres acteurs aux plans international, national et local, dans le seul but d’améliorer la vie de ces familles et de leurs enfants.
[1] Le mot ‘enfant’ est défini selon l’article 1er de la Convention sur les droits de l’enfant: « tout être humain de moins de dix-huit ans, sauf lorsque la majorité est atteinte avant, selon les lois en vigueur »
[2] Horgan, J. (2011) Parental Substance Misuse: Addressing its Impact on Children. A Review of the Literature (Dublin: NACD), https://www.drugsandalcohol.ie/16115/1/NACD_parental_substance_misuse_impact_children_Key_messages.pdf
[3] https://www.coe.int/en/web/pompidou/home
[4] Par ordre alphabétique: Croatie, Chypre, Grèce, Islande, Irlande, Italie, Mexique, Pologne, Roumanie, Suisse et Turquie.
[5] Croatie, Chypre, Islande, Irlande, Italie
[6] Mis en œuvre en ligne dans neuf pays: Croatie, Chypre, Tchéquie, Grèce, Islande, Irlande, Italie, Mexique et Suisse.