Addiction et société

Nos sociétés promeuvent une culture de l’excès et de la consommation qui procure des réponses intenses similaire à celles des drogues

Consommer

Nous devons nous interroger sur nos comportements et sur la manière dont ils sont dictés par l’évolution de la société de consommation vers une société d’addiction – Photo de Dan Burton sur Unsplash

Nous vivons dans une société de l’hyperstimulation, dans laquelle les progrès technologiques s’associent à un marketing agressif et efficace pour susciter un besoin permanent de nouvelles sensation, une envie permanente de remplacer les objets « démodés » achetés il y a quelques mois à peine.

On dit de notre société qu’elle est addictogène. Le constat n’est pas nouveau, mais le phénomène gagne toujours plus d’importance jusqu’à devenir une préoccupation sociétale majeure. Les comportements addictifs, on les retrouve dans la vie de tous les jours, dans notre recherche permanente de sensations intenses dans quasiment tous les secteurs: au travail, dans nos loisirs, nos activités sportives, etc. Nous vivons dans une culture de l’excès, de l’accès immédiat à l’objet du désir, dans une frénésie de consommation entretenue par les délais d’attente toujours plus brefs entre le clic « acheter » et le coup de sonnette du livreur.

Une société hédoniste

Notre environnement est devenu celui de la vitesse, de l’instantané. La culture consumériste n’a plus vocation à satisfaire nos désirs, mais à les exciter, à les renouveler, encore et toujours plus vite, au mépris du temps long et des choix lentement mûris.

On retrouve ces mêmes comportements dans notre volonté d’effacer les limites que notre corps et notre cerveau nous imposent: celles du sommeil, de la fatigue, de la créativité, de la libido.

Dans ce contexte, les addictions et au sens large l’ensemble des syndromes associés à un déficit du contrôle des impulsions deviennent terriblement banals. Et la réponse sociale n’est pas à la hauteur car condamner ces usagers ou ces comportements revient à se confronter aux valeurs sociétales qui en sont à l’origine: consommer plus, être plus performant, plus musclé, plus beau, etc.

Précarités, exclusions, stigmatisations

Après la dépression au siècle dernier, ou l’hystérie au siècle d’avant, l’addiction sera sans doute LA maladie du 21ème siècle, comme en témoigne la multiplication de ces comportements. Pourtant, il ne pas oublier le dernier volet de cette banalisation des addictions: celui de la précarité et de l’exclusion.

Nombre de personnes aux prises avec une addiction sont en situation d’exclusion ou d’errance, vivant dans les quartiers périurbains. L’emprise des troubles addictifs est chez ces dernières plus resserré encore, aggravé par la pauvreté, la stigmatisation et l’exclusion économique. Outre les usages de drogues, un très grand nombre sont concernés par des pathologies qui rendent leur situation plus difficile encore: violences intrafamiliales, maternités précoces, troubles mentaux.

Changer de paradigme?

Prendre en charge efficacement les personnes ayant des pratiques addictives passe par l’utilisation de tous les outils ou modèles probants qui sont à la disposition des spécialistes: l’intervention précoce, les services de réduction des méfaits, les programmes de traitement ambulatoires ou résidentiels, il faut utiliser ces outils en interaction afin de mieux répondre aux besoins, sans qu’un seul modèle prenne le pas sur les autres. Certains sont mieux adaptés que d’autres en fonction des personnes, en fonction du moment.

Il nous faut aussi nous interroger sur notre société addictogène, de façon concrète, en impliquant tous les intervenants possibles – éducateurs, travailleurs sociaux, familles, etc. Sans oublier l’importance de l’éducation et le développement des compétences psychosociales.

Le défi est sans doute immense, mais chacun doit pourvoir prendre du recul et prendre conscience de l’évolution d’une société qui devient toujours plus addictive. Ce qui est en jeu c’est notre liberté.