Répondre aux grands mouvements de migration

Immigrant birdsLe monde entier est le témoin des défis posés par les importants flux migratoires qui se produisent actuellement. A cause de leur proximité géographique avec les pays d’origine, certaines régions se voient confrontées à des conséquences bien plus importantes. Les déplacements forcés de populations concernent en réalité tout le monde, directement ou indirectement. Mais les tout premiers concernés sont bien ceux qui, contre leur gré, sont soudainement forcés de quitter leur maison, leur travail, leurs amis et leurs habitudes pour aller risquer leur vie dans des embarcations de fortune et se retrouver finalement dans un camp de réfugiés ou dans un pays dont ils ignorent tout. Hélas, en dépit d’une réalité qui touche plus de 65 millions de personnes, un certain nombre de pays et de personnalités continuent de proclamer que la vie des autres ne les concernent pas. Cela suffit.

Une audience informelle était organisée au siège de l’ONU par le président de l’Assemblée générale des Nations Unies afin de permettre aux organisations de la société civile de contribuer, de par leurs connaissance et leur expérience de terrain, aux politiques institutionnelles relatives aux grands mouvements migratoires, au plan national et international. Dianova participait à cette audience, en même temps que plusieurs dizaines d’autres représentants de la société civile.

Nous sommes heureux et fiers de travailler dans une organisation qui, à l’exemple de Dianova Espagne, a su rapidement recentrer ses domaines d’intervention et créer deux programmes visant à accueillir et à protéger les migrants. Le centre d’accueil humanitaire de Dianova et le centre de protection internationale sont des exemples d’interventions inclusives, vouées de façon concrète à promouvoir les droits humains et à développer l’autonomie personnelle.

La voix de la société civile

"We Are All Immigrants"Les mouvements de migration actuels posent un défi commun aux différents états et exigent d’eux qu’ils trouvent les moyens d’y faire face. Par le biais des Nations Unies ou par tout autre moyen, nous demandons aux Etats de prendre en compte les principaux enjeux mis en avant par le Secrétaire général M. Ban Ki-Moon dans son important rapport sur les réfugiés et les migrants, en avril dernier. Ceci implique que ces mêmes Etats : 1.) les Etats s’engagent à traiter les causes profondes des flux de migration forcée ; 2.) qu’ils reconnaissent la responsabilité partagée des Etats et qu’ils apportent un soutien significatif et pluridimensionnel aux pays de destination ; et enfin, 3.) qu’ils placent la protection des droits humains des migrants et des réfugiés au cœur de toutes leurs politiques.

Au-delà du diagnostic et des recommandations délivrées par le Secrétaire général, il faut également souligner l’importance du rôle joué par les organisations de la société civile qui sont venues en aide aux victimes des flux actuels de migration forcée partout dans le monde.  La récente audience informelle qui s’est tenue aux Nations Unies n’a fait que mettre en évidence le fait que non seulement les gouvernements ne peuvent pas continuer à écarter la société civile de la table de discussion, mais aussi que ces mêmes organisations ont beaucoup à apporter aux discussions et aux pratiques dans ce domaine.

Pour ces raisons, nous souhaitons témoigner de l’empreinte historique laissée par la société civile au profit de la défense des droits humains des réfugiés et migrants, et présentons ci-dessous une compilation non exhaustive des observations et de recommandations faites par le groupe représentant la société civile lors de la récente audience.

  • La xénophobie généralisée de la parole publique de certains dirigeants politiques, médias et d’une partie de la population des pays de destination, met en péril la bonne coordination des mouvements importants de réfugié et migrants. Pour résoudre ce problème, il est urgent de mettre des politiques de sensibilisation en œuvre. Actions possibles : 1.) cibler les faits afin de contrer ce discours – par exemple, selon une enquête mondiale d’Amnesty International, 80% des gens accueilleraient à bras ouverts les réfugiés fuyant les conflits et les régions en guerre (données globales). 2.) Promouvoir l’empathie – encourager les interactions, en particulier avec les enfants ; raconter leurs histoires (pourquoi ils ont quitté leur pays d’origine, comment ils y vivaient, qui ils sont, qui sont leur famille) ; impliquer les leaders de votre communauté ; etc. 3.) Changer le discours officiel en soulignant les aspects positifs de l’immigration – les importants flux migratoires ne représentent pas seulement un problème ou un défi à relever, ce sont aussi des opportunités car les réfugiés et les migrants contribuent au développement des pays et des communautés.
  • Les conventions internationales doivent être appliquées dans les pays de destination afin d’apporter aux migrants et réfugiés la protection à laquelle ils ont droit, sur la base de l’universalité des droits humains. Il n’est en général pas question de demander de nouveaux droits, mais simplement que les Etats assument leurs obligations, comme ils s’y sont volontairement engagés au préalable. A ce propos, il est également important de veiller à ce que les droits existants des enfants, des femmes, des migrants ou d’autres populations vulnérables soient maintenus ou renforcés dans le cadre des engagements nouveaux engendrés par le contexte actuel. Il ne peut y avoir aucune régression s’agissant des mécanismes nationaux ou internationaux existants.
  • Les femmes doivent être incluses lors des activités d’évaluation des besoins au sein des camps de réfugiés et autres installations d’hébergement dans le but de garantir le respect de leurs droits. A de nombreuses occasions, les droits sexuels et reproductifs des femmes, les soins de base et l’attention requise face aux violences sexuelles y ont été négligés ou pire, ignorés. Il faut par exemple assurer qu’elles aient accès à des mesures de protection, à des soins médicaux, à des moyens de contraception choisis, et à des bonnes conditions d’avortement, en particulier lors des grossesse résultant de violences sexuelles.
  • Le manque criant d’investissement dans les services publics pour les réfugiés et migrants ne fait que souligner les conséquences négatives des flux actuels de migration dans les pays de destination. Il est essentiel de permettre aux personnes d’accéder aux services publics, en particulier en ce qui concerne les soins de santé, la justice, le logement, l’éducation, etc.
  • L’intégration est essentielle. Les pays de destination doivent améliorer leur capacité d’intégration rapide des réfugiés et migrants, au plan économique, social et politique. Au-delà des cours de langues, il est essentiel d’enseigner les coutumes et les lois locales à ceux qui arrivent, de même qu’il est important de parvenir à un équilibre dans les conflits culturels susceptibles d’émerger. Le droit de travailler, d’avoir accès à la formation professionnelle, à l’éducation et au logement pour tous sont également des fondamentaux des politiques d’intégration. L’intégration technologique est aussi un instrument important. Il y a mille et une façons de promouvoir l’autonomie et l’indépendance des réfugiés et des migrants. Et les résultats profitent à tous.
  • Protéger les enfants et promouvoir l’éducation dès la petite enfance doivent être une priorité de toute politique migratoire, afin de protéger le développement et l’autonomisation des enfants et assurer ainsi l’avenir de notre société. En outre, il est nécessaire de mettre en place un soutien systématique pour les mineurs non accompagnés.
  • Il faut garantir le droit au travail pour les réfugiés et migrants dans les pays de destination. Dans le même temps il faut continuer de s’engager pour des conditions de travail décentes dans les pays d’origine afin que migrer devienne un choix et non une nécessité.
  • Les réfugiés et migrants ne sont pas un groupe monolithique : leurs besoins varient en fonction de l’endroit d’où ils viennent, c’est pourquoi les réponses apportées doivent faire de même. Il convient donc de promouvoir une plus grande coordination entre les gouvernements, la société civile, le milieu universitaire et le secteur privé, et les individus et les organisation pertinentes, dans le but de mettre en œuvre des réponses ciblées et adaptées aux différents groupes. Dans le même temps, il est important d’établir des accords de coopération bilatéraux et multilatéraux, grâce auxquels les Etats se verront comme autant de partenaires interdépendants.
  • Il est crucial d’investir dans le développement social des pays concernés, en mettant l’accent sur des politiques inclusives et sur l’éducation des jeunes, afin qu’ils ne deviennent pas des cibles pour la criminalité. Sur ce point, il est également important de clarifier la responsabilité – et de demander une plus grande contribution – des pays qui, par le biais de leurs politiques extérieures et de leurs interventions, ont contribué aux crises qui sont à l’origine des grands mouvements actuels de migration forcée. Il est également essentiel de mettre un terme au financement institutionnel des conflits, et que la paix devienne une priorité.
  • Les gouvernements doivent dialoguer avec les organisations de la société civile en tant que partenaires à part entière, en assurant qu’elles participent de façon effective à la préparation, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques migratoires. Il doit s’agir de collaboration plutôt que de simple consultation.
  • Il faut abolir la détention arbitraire des réfugiés et migrants. L’accès à la justice et à une procédure équitable est un droit fondamental et universel.
  • Il faut encourager les dons en espèces plutôt qu’en nature, lorsque les procédures sont bien conçues et appropriées, afin de promouvoir le développement économique local.
  • Les différentes agences de l’ONU doivent travailler ensemble de manière coordonnée, afin d’utiliser leurs ressources spécialisées et apporter des solutions qui soient non seulement appropriées mais également intégrées et individualisées (enfants, femmes, développement, alimentation et agriculture, travail, etc.)
  • L’absence de cadre juridique pour les mouvements de migration secondaire[1] ne fait que générer une chaîne de flux irréguliers. Il est urgent que les gouvernements renforcent leur coopération pour réglementer, encadrer et faciliter ces mouvements.
  • Dans ce contexte de grands mouvements migratoires, des milliers de réfugiés et migrants ont perdu la vie au cours des différentes étapes de leur voyage. Très souvent, parce qu’ils n’avaient aucun papier sur eux au moment de leur décès, ils sont portés disparus indéfiniment pour leur famille. Les gouvernements doivent examiner cette situation de près et trouver des solutions pour traiter le problème.
  • Il serait bon d’identifier les meilleures pratiques d’utilisation des visas humanitaires et en faire usage si nécessaire. En outre, il est essentiel de fournir aux demandeurs d’asile l’accompagnement et les services dont ils ont besoin durant l’examen de leur demande. Enfin, l’utilisation d’examens médicaux en tant qu’ instrument de contrôle de l’immigration doit être aboli.

[1] Phénomène des migrants, incluant réfugiés et demandeurs d’asile, qui pour une raison ou une autre quittent le pays dans lequel ils sont arrivés pour s’installer ou bien rechercher asile et protection ailleurs.