Dianova juge essentiel d’améliorer l’accès aux services de santé pour les personnes souffrant de comorbidité – usage de substances et troubles mentaux
La déclaration suivante est liée au point 6 de l’ordre du jour de la Commission : Suivi de la mise en œuvre aux niveaux national, régional et international de tous les engagements, tels que reflétés dans la Déclaration ministérielle de 2019, pour traiter et contrer le problème mondial des drogues.
- L’Organisation Internationale Dianova (ou Dianova International) est une ONG dotée d’un statut consultatif spécial auprès de l’ECOSOC, statut accordé en 2007.
- Contact : Mme Montserrat Rafel, directrice exécutive – rafel@dianova.org
Ce texte a été publié en anglais sur la page web dédiée à la documentation de la 67ème session de la Commission des Nations Unies sur les Stupéfiants.
Dans l’ensemble, la complexité et la nature intégrée des questions liées à la santé mentale sont aujourd’hui de plus en plus reconnues et comprises. Il existe également un nombre croissant de recherches concernant leurs liens avec la consommation de substances et une meilleure compréhension des besoins des personnes souffrant de comorbidité, soit celles souffrant de troubles concomitants de santé mentale et d’usage de substances. Il est essentiel de mettre en place des services de prévention, de traitement, de réduction des risques et de soutien plus efficaces pour cette population, et il est essentiel de prendre davantage conscience de la nécessité d’adopter une approche holistique pour aborder ces problèmes.
Du point de vue de l’intervention, cependant, il existe encore des obstacles qui empêchent les personnes souffrant de comorbidité d’accéder aux services adéquats. Le lien complexe entre santé mentale et addictions, par exemple, peut rendre difficile le diagnostic clinique de comorbidité, ce qui peut retarder l’initiation du traitement, et diviser l’approche de la situation en différents services de soins, générant des obstacles plus importants encore en termes d’adhésion au traitement. En outre, l’accès aux services spécialisés dont elles ont besoin, sans être surmédicalisées, peut constituer un défi majeur pour les personnes. Enfin, le manque de services de prévention et de réinsertion et leur faible coordination constituent également de sérieux obstacles.
A l’occasion de la 67e session de la Commission des stupéfiants, Dianova souhaite mettre en lumière un certain nombre d’éléments susceptibles d’intéresser les décideurs politiques, les prestataires de services, le monde académique, les organisations de la société civile et la société dans son ensemble.
- Lire: « Personnes qui utilisent des drogues et santé mentale« , un document élaboré par le Forum de la société civile sur les drogues
Prêter une attention particulière aux jeunes
Les jeunes souffrant de problèmes de santé mentale sont confrontés à des niveaux élevés de difficultés éducatives, de discrimination et d’exclusion sociale, autant de facteurs de risque pour les dépendances aux drogues et les comportements addictifs « sans substances ».
Ces dernières années, nous avons assisté à une détérioration de la santé mentale des jeunes, avec des taux élevés de dépression, de troubles anxieux et de consommation de médicaments psychoactifs en vente libre. Selon l’OMS, un jeune de 10 à 19 ans sur sept dans le monde souffre de troubles mentaux, et le suicide est la quatrième cause de décès chez les 15-29 ans.
En outre, parmi les jeunes générations, de plus en plus de personnes se tournent vers de nouvelles drogues et de nouveaux comportements addictifs, notamment les nouvelles substances psychoactives synthétiques, les jeux d’argent en ligne et les jeux vidéo.
Ces évolutions posent des défis majeurs du point de vue de la santé publique et impliquent que les programmes de prévention et de traitement soient adaptés en conséquence. Dans le même temps, l’accès aux soins professionnels et aux services de soutien semble inadéquat en raison de contraintes financières, de la stigmatisation des addictions et du manque de services adaptés à leurs besoins, entre autres.
Enfin, il est également essentiel de concevoir et de mettre en œuvre des interventions qui tiennent compte des droits des enfants, en accordant une attention particulière à la situation des enfants dont la santé mentale, et le développement en général, sont susceptibles d’être affectés par l’usage problématique de substances de leurs parents et autres problèmes associés, comme la violence intrafamiliale.
- Pour aller plus loin: les addictions, une question transversale
La prévention, pierre angulaire de l’action
Si l’on considère la santé mentale sous l’angle de la consommation de drogues et des dépendances, il est important de souligner que la prévention (de la santé mentale et des addictions) est souvent négligée. De nombreux systèmes nationaux de soins de santé ont tendance à donner la priorité à ce qui est jugé plus urgent (c’est-à-dire les services de traitement et de réduction des risques) mais négligent l’aspect essentiel de la prévention. Dans ce domaine, tous les éléments sont nécessaires et les services de prévention basés sur des données probantes doivent être soutenus.
A cet égard, Dianova soutient pleinement la « Déclaration d’Oviedo« , une initiative mondiale sur la prévention des dépendances, qui appelle tous les pays à allouer au moins 25% de leurs efforts de réduction de la demande et de leurs budgets à des stratégies de prévention d’ici à 2030.
Un diagnostic difficile
Un diagnostic adéquat est nécessaire pour élaborer un plan de traitement individuel, adapté aux besoins de chacun. En ce qui concerne l’intervention thérapeutique, l’approche doit être globale, adaptée aux caractéristiques de chaque personne (profil individuel, besoins et attentes, interaction avec la communauté, etc.) et fondée sur une perspective transversale, sensible au genre et basée sur les droits humains. Cependant, comme c’est souvent le cas, les personnes souffrant de comorbidité peuvent être mal diagnostiquées et recevoir des prescriptions médicales inappropriées. Il faut aussi souligner la nécessité de disposer de systèmes fiables, car les conséquences de troubles concomitants non diagnostiqués, non traités ou traités de manière inadéquate peuvent accroître les risques d’exclusion sociale, d’emprisonnement et même de suicide.
Investir dans les approches biopsychosociales et éviter la surmédicalisation
Étant donné la nature biopsychosociale du problème, les approches de soins doivent être multiples et inclure non seulement des interventions médicales et psychiatriques, mais aussi des interventions sociales, familiales et même communautaires. D’une manière générale, nous devons passer d’un modèle qui considère la comorbidité uniquement d’un point de vue biomédical à une approche biosociale communautaire qui prend en compte tous les aspects et toutes les composantes qui influencent la santé mentale.
De nombreux programmes de traitement des dépendances tendent cependant à fournir des réponses principalement basées sur la pharmacologie et la seule perspective biomédicale. Les programmes personnalisés fondés sur l’administration de médicaments sont sans aucun doute un élément nécessaire de nombreuses stratégies de traitement, mais des thérapies non médicamenteuses devraient également être envisagées, en particulier celles qui sont basées sur la composante « psychosociale » du problème. L’utilisation de ces techniques, à condition qu’elles soient fondées sur des preuves scientifiques, est susceptible d’aboutir à de meilleurs résultats, avec une diminution des médicaments utilisés et une augmentation des compétences individuelles et des mécanismes d’adaptation (coping mechanisms).
L’approche biomédicale peut sembler moins coûteuse (du point de vue des pouvoirs publics), mais elle n’offre qu’une réponse à court terme, alors que les interventions biopsychosociales ont un impact plus positif à moyen et long terme.
Dianova estime que les pouvoirs publics devraient garantir la pérennité de ces services, en particulier dans le secteur résidentiel, plutôt que de les sous-financer comme c’est de plus en plus souvent le cas.
La surmédicalisation des personnes souffrant de comorbidité est très préoccupante. Certaines des personnes qui entrent dans un programme de traitement des addictions ont été précédemment hospitalisées dans des services psychiatriques où elles ont reçu de fortes doses de médicaments. Elles sont donc physiquement et mentalement ralenties et présentent de nombreux effets secondaires, ce qui peut constituer un obstacle au bon déroulement du programme de traitement, car cela peut réduire l’adhésion aux traitements eux-mêmes, ainsi que la perception d’efficacité personnelle et la confiance dans les services.
Enfin, il nous semble essentiel d’améliorer l’accès aux soins et d’offrir aux personnes des options supplémentaires en ambulatoire et dans la communauté, car ces dernières ont été largement négligées, du moins jusqu’à présent.
Peu de programmes ciblent les comorbidités et manque de formation des professionnel·les
Les personnes souffrant de comorbidité sont confrontées au problème des « portes tournantes », où elles entrent et sortent des hôpitaux et des services de prise en charge des dépendances, sans trouver de programme véritablement adapté à leurs besoins. Il existe très peu de programmes spécialisés dans ce domaine, sans parler du fait que très peu de programmes sont basés sur une perspective de genre permettant de faciliter l’accès et l’adhésion aux services pour les femmes et les personnes LGBTQI+ concernées. En outre, une approche intersectionnelle doit être développée, compte tenu des problèmes complexes rencontrés par les personnes souffrant de comorbidités.
Le manque de formation des professionnel·les de santé est un autre problème, car il peut entraîner des erreurs de diagnostic, des mauvais traitements, la stigmatisation, la négligence, etc. des personnes souffrant de comorbidités.
Nécessité de services de réinsertion
Un autre défi majeur consiste à créer des opportunités de réintégration sociale et professionnelle, par le biais de centres de jour et de services de suivi psychosocial, afin de donner aux personnes les outils dont elles ont besoin lorsqu’elles quittent le programme de traitement.
Les services de rétablissement et de réinsertion sociale sont également essentiels pour assurer la continuité des soins et l’efficacité des programmes de traitement des dépendances pour les personnes souffrant de comorbidités. L’offre de ces services est notoirement insuffisante.